Cette semaine, après avoir vu un reportage sur les conséquences horribles notamment sur les enfants (autisme) de l’usage des pesticides dans la région du Penjab en Inde mais aussi en France https://www.francetelevisions.fr/et-vous/notre-tele/on-sengage/vert-de-rage-pesticides-poisons-eternels-39021, j’ai eu envie de reparler des pesticides dans le vin.
En cherchant sur Youtube, je suis tombé sur ce documentaire « En quête de vin nature » que vous retrouverez en bas de cet article. Je me suis dit que ce serait une bonne idée de le résumer par écrit. Vous me direz si c’est bien le cas 🙂
Autrefois, le choix d’une bouteille de vin était simple. On se tournait vers un Bourgogne ou un Bordeaux, et une étiquette « vieilles vignes » ou « élevé en fût de chêne » suffisait à garantir la qualité. Mais aujourd’hui, le monde du vin a changé, avec l’émergence de nouvelles catégories: vin bio, biodynamique, et vin nature, parfois sans sulfites. Ces vins s’invitent désormais dans les maisons, chez les cavistes, dans les bars à vin, et même à la table des restaurants 3 étoiles.
Mais comment ces vins sont-ils produits et certifiés? C’est la question à laquelle ce reportage tente de répondre en explorant les quatre coins de la France, à la rencontre de vignerons qui ont choisi de produire des vins singuliers, souvent regroupés sous l’appellation « vins nature ».
Le Vin Nature : un terroir sans artifices
Les vignerons qui créent ces vins sont convaincus qu’on ne peut pas « mentir au terroir ». Ils laissent la nature travailler, car elle est plus forte que l’homme. Pour certains, l’appellation « vin naturel » est même trompeuse, car elle peut induire le consommateur en erreur.
Le Salon des Vins Natures : un rendez-vous incontournable
Le documentaire commence à Angers, lors du salon « Renaissance des Appellations »https://renaissance-des-appellations.com/fr/ créé par Nicolas Joly https://coulee-de-serrant.com/
Cet événement rassemble les meilleurs cavistes, importateurs, et restaurateurs du monde entier, venus découvrir les vins de vignerons qui ont fait le choix de « l’originalité ». Bernard Bur, journaliste spécialisé dans ces nouveaux vins, souligne que ces pionniers ont compris avant les autres qu’il fallait changer. Il prédit que dans 20 ans, tous les vins seront bio et probablement biodynamiques.
Un double label garantit l’authenticité des vins bio avec la fameuse étiquette verte et la biodynamie par le label Demeter https://www.demeter.fr/produits/vins-bieres-et-spiritueux/ et/ou Biodyvin https://www.biodyvin.com/fr/le-label-biodyvin.html Mais au-delà des labels, ces vins doivent susciter une émotion et une connexion avec le vivant. Ils se distinguent des vins « parfaits » et standardisés qui se sont imposés ces 30 dernières années.
La recherche de l’authenticité : Le choix du vin nature
Les vins naturels, c’est l’expression de l’authenticité, « comme enlever ses vêtements ». C’est cette honnêteté qui séduit. S. Rosford, chargé d’approvisionner les caves du restaurant Noma de Copenhague, 5 fois élu meilleur restaurant du monde (2010,2011,2012,2014,2021) ne sert que des vins naturels. Il fréquente ce salon depuis 12 ans.
Pour Frédéric Palacios, vigneron à Arzens (à côté de Carcassonne) dans l’appellation « Malpère » peu connue https://viamo.fr/vignerons/frederic-palacios/ le choix du vin nature est un retour aux sources : son grand-père était vigneron. Il nous invite à une initiation car les vins natures peuvent avoir un goût déroutant pour les novices…Une odeur d’étable ? 🙂
Initiation au Vin nature : une dégustation révélatrice
À Toulouse, dans un établissement classé meilleur bar à vin du monde https://www.le5winebar.fr/, Thomas nous fait déguster une bouteille de vin datant de 1675, une preuve que le vin nature existe depuis longtemps. Sur sa carte, 80% des 4 000 références sont des vins nature.
Il propose une dégustation comparative de trois types de vins: un vin nature italien sans sulfite, un vin biodynamique français travaillé selon un calendrier céleste et un vin conventionnel. Ces trois vins suscitent des émotions différentes et ont des goûts différents, mais tous sont bien faits. La subjectivité joue un rôle important lors de la dégustation.
Un vin Beaujolais biodynamique surprend par son atypicité le groupe d’amis qui le déguste, amenant à réfléchir sur le goût du vin et la nécessité de réapprendre à apprécier les arômes primaires du cépage.
Au cœur du terroir : la vigne et ses secrets
Pour comprendre cette révolution, il faut retourner à la vigne. Frédéric Palacios, rencontré à Angers, nous emmène dans sa région de Carcassonne. Il a commencé par utiliser la chimie puis a remarqué qu’elle causait des dégâts. En 2006, il est passé à l’agriculture biologique. Son oncle, André Bouteille, 82 ans, continue de cultiver ses vignes en agriculture conventionnelle. Il explique qu’avec l’arrivée de cépages plus sensibles aux maladies, la chimie est devenue nécessaire. André Bouteille a même été l’un des premiers à utiliser du glyphosate. Il minimise ses dangers, considérant qu’il n’est qu’un défoliant, bien que reconnaissant son potentiel cancérigène.
Aujourd’hui seulement 3% des terres agricoles françaises sont occupées par les vignes, mais elles consomment 20% des pesticides. De plus en plus de vignerons prennent conscience de cette absurdité. Le bio est avant tout un choix de vignerons qui ne veulent pas être les premières victimes des pesticides.
Les pesticides : un danger invisible
La France déverse chaque année plus de 60 000 tonnes de pesticides dans ses champs. Des laboratoires certifiés mesurent les niveaux de résidus dans le vin, mais le danger ne se limite pas à la bouteille. Les professionnels sont surtout motivés par la santé des travailleurs qui doivent pouvoir travailler dans les vignes sans équipement de protection.
Si les pesticides sont mauvais pour la santé, ils le sont aussi pour le vin. La France est le premier producteur et l’un des plus gros consommateurs de pesticides. Une dégustation de pesticides dans le vin est organisée à Paris. Jérôme Douely, chef cuisinier, reconnaît une douzaine de pesticides au goût. Il explique que les pesticides cassent la nature et le plaisir du vin. Il est possible de retrouver le goût des pesticides dans un grand cru à 400 € la bouteille.
Marc Veyrat, chef cuisinier, constate qu’on s’est habitué à « l’aromatisation des pesticides et des insecticides ». Il faut remettre en place la hiérarchie du palais et revenir aux produits de saison et de proximité. Il prévoit de ne servir que des vins naturels dans son restaurant d’ici 2 ou 3 ans.
Le travail de la terre : un retour aux sources
Frédéric Palacios désherbe à la main avec son employé pour faire du vin bio. Le désherbage chimique prend 20 à 30 minutes par hectare, alors que le désherbage manuel prend une journée entière…Tiens, tiens, ça me rappelle mes jours de pioche pendant un stage en Corse 🙂
Une terre traitée au glyphosate a du mal à se remettre. Au début de la transition vers le bio, la vigne est plus sensible aux maladies et il faut 2 à 5 ans pour qu’elle se défende naturellement.
Le vin bio : une alternative respectueuse
Pour le vin bio, il faut traiter la vigne sans produits chimiques ni pesticides de synthèse. Emmanuel Poirmeur, ingénieur agronome, https://www.egiategia.fr/emmanuel-poirmeur a planté sa vigne en bio sur la côte basque. Il pratique la chasse aux escargots à la main et utilise des produits de surface comme la bouillie bordelaise et le souffre. Ces produits sont lessivés par la pluie. Les produits systémiques, qui pénètrent dans la plante, sont plus décriés car ils se retrouvent dans le raisin. Le vigneron est le premier exposé aux produits qu’il utilise car il déguste son vin tous les jours.
Le Bio n’empêche pas de labourer le sol. C’est un vrai problème que de détruire l’habitat de la vie sous terre…mais ce n’est pas le sujet du jour 🙂
La biodynamie : une vision holistique du Vin
Emmanuel Poirmeur suggère de visiter son ancien voisin, le château Pontet-Canet, un Grand Cru Classé passé à la biodynamie. La biodynamie utilise les mêmes produits que l’agriculture bio, mais y ajoute des savoirs ancestraux et des théories philosophiques pour créer de la biodiversité. Jean-Michel Comme (qui a quitté ses fonctions en 2020), directeur du domaine (pendant 31 ans), explique que la biodynamie cherche à fortifier chaque pied de vigne pour qu’il se défende seul. Le domaine est passé en bio puis en biodynamie début 2000 pour une certification en 2010. Ils utilisent des cornes de vaches remplies de bouse, qui sont enterrées pendant 6 mois, puis déterrées selon le cycle lunaire. La plante est en relation avec le sol, l’air et le ciel. https://www.terredevins.com/actualites/jean-michel-comme-ma-propre-sante-ne-comptait-pas
La bouse est stockée et transformée en humus de qualité. Cet humus est utilisé pour la préparation 500, un mélange de bouse et d’eau de source qui fortifie les vignes. La biodynamie est à l’agriculture ce que l’homéopathie est à la santé. Seuls quelques grammes par hectare suffisent.
Le retour du cheval : une pratique douce
Dans les vignes, le cheval remplace progressivement les tracteurs pour éviter le tassement de la terre. Les racines des vignes peuvent atteindre 10 mètres et plus en biodynamie contre 1 mètre en viticulture conventionnelle surtout si elles sont irriguèes. Les racines puisent plus de minéraux dans le sol ce qui donne l’effet terroir. Les plantes qui poussent dans les vignes indiquent l’état du sol.
La différence de goût entre un raisin de terroir et un raisin plus basique est difficile à percevoir, mais elle devient évidente après la fermentation. Le rêve de tout vigneron est de faire pousser un raisin de qualité qui annonce une vinification exceptionnelle.
La vinification : de la grappe au Vin
L’étape suivante est la vinification : la transformation du raisin en vin. Le sucre des raisins, au contact des levures présentes sur la peau, se transforme en alcool. En vinification conventionnelle, on ajoute des levures de synthèse. En vinification bio, on ajoute des levures bio. Mais ces levures modifient le goût du vin. En vinification biodynamique et nature, on utilise les levures naturelles du raisin.
Après la fermentation, le vin est élevé en barriques ou en cuves. Il faut surveiller attentivement le vin, car des bactéries ou des levures peuvent détériorer son goût. En cas de doute, un œnologue est consulté.
Par exemple, dans le reportage, Pascal Châtonnet, œnologue, a reçu un échantillon de vin bio non conforme. Une analyse révèle une forte quantité de 4-éthylphénol, un composé produit par une levure particulière. Il faut diluer le vin pour réduire la concentration de ce composé.
Le soufre : un protecteur controversé
Pour protéger le vin des bactéries et levures, on utilise du soufre. En viticulture conventionnelle, on tolère jusqu’à 150 mg de soufre par litre, 100 mg en bio, 70 mg en biodynamie, et 0 en vin nature.
Frédéric Palacios, qui veut exprimer au mieux son terroir, n’a pas encore ajouté de levure ni de soufre dans l’une de ses cuvées. Il attend les résultats d’analyse de son vin avec son œnologue pour décider d’ajouter ou non du soufre avant la mise en bouteille. En 2008, il avait fait un vin sans soufre « par chance », mais en 2009, tout avait tourné au vinaigre. Selon lui, Il faut 10 ans pour comprendre son terroir et réduire ses marges d’erreur. Cette année son vin sera bio, mais pas nature. Il ajoute 2g de soufre avant la mise en bouteille.
Le vin sans soufre : un défi audacieux
Adrien Fabre, vigneron dans l’Aude, https://www.domainelaflorane.com/ a réussi cette année à faire son premier vin sans soufre. Il a fait plusieurs essais et face à leur réussite, il a décidé de mettre en bouteille ce vin. Il faut concevoir une étiquette, la législation s’impose sur la contre étiquette. Il y a des informations obligatoires, comme l’appellation, le nom du domaine, le degré d’alcool, le logo femme enceinte et éventuellement les logos bio.
Les alcools sont les seuls produits alimentaires qui ne sont pas soumis à l’obligation d’afficher la composition chimique. Sur la soixantaine d’additifs autorisés, un tiers peut causer des allergies.
Une demande d’explication est envoyée à Bruxelles pour le commissaire européen en charge de la santé et de la sécurité alimentaire. Contrairement aux jus de fruits, les étiquettes de vin ne donnent aucune information sur la composition. Les industriels sont invités à faire des propositions pour afficher les informations nutritionnelles.
L’INAO et les étiquettes : un débat important
En France, c’est l’INAO https://www.inao.gouv.fr/ qui légifère les étiquettes. L’INAO représente la viticulture française à 90% conventionnelle. Le débat porte sur l’intérêt de l’information pour le consommateur. Les consommateurs s’intéressent aux résidus de pesticides.
Les produits commercialisés, même non-bio, ont des normes de santé publique. Le vin bio garantit l’absence de résidus. Les logos bio et biodynamique sont affichés sur les étiquettes, mais pas le logo « vin nature ».
La répression du « vin nature » : un Paradoxe
L’enquête se complique car le terme vin nature n’est pas légalement reconnu. La police a fait une descente chez Adrien Fabre car il avait appelé sa cuvée « vin nature ». Le monde du vin conventionnel ne veut pas que l’expression « vin nature » fasse de l’ombre à sa production. Il est interdit d’utiliser cette expression. La répression des fraudes ne plaisante pas…
Le mot « nature » est interdit, bien que cela existe dans le vin depuis 25 ans. Un vin nature est un vin sans ajout de SO2. Le SO2 est un antiseptique et un antioxydant. Sans SO2, il faut travailler en présence de gaz carbonique et maintenir le vin à basse température. Le vin nature est un défi technique et parfois économique pour les vignerons. Faire un vin nature et le préciser au consommateur sur l’étiquette peut exposer le vigneron à une amende de 15 000 €…On ne marcherait pas sur la tête ?
Le vin biodynamique : un atout pour le prestige
Jean-Michel Comme a mis son vin en bouteille avec les bonnes étiquettes 🙂 Le château est certifié bio et biodynamique, mais pour lui ce n’est pas un argument de vente. Les gens achètent le Pontet-Canet pour la qualité de ses vins. La biodynamie permet de faire des vins meilleurs et de les vendre plus cher. Les bouteilles se vendent entre 100 et 300 € selon les millésimes.
L’essor du marché du vin nature : un engouement croissant
Le marché du vin bio, biodynamique et nature est en pleine croissance, avec une augmentation de 20% par an depuis 10 ans. Un nouveau caviste ouvre tous les deux jours. Les Français boivent moins, mais mieux. Ils sont prêts à payer 10% de plus pour un vin bio. Les vins natures sont fragiles et doivent être conservés au frais.
Claude Hubert, caviste à Saint Jean de Luz, vend surtout du vin nature. Il prend plusieurs jours pour déguster une bouteille de vin nature. Le pire ennemi du vin est le jugement hâtif. Il faut du temps pour que le vin révèle toutes ses facettes. Le goût du naturel n’est pas le goût du défaut. Les vins naturels sont plus libres et plus expressifs. Ils peuvent aussi être des vins de garde.
Le Domaine de Gramenon : une histoire de famille
Le reportage se termine au domaine de Gramenon dans la Drôme https://www.domaine-gramenon.fr/. Michèle Aubéry et son mari ont fait leur première récolte bio en 1978. Après le décès de son mari, Michèle a repris le domaine et a réalisé son premier millésime en 2000. Son fils Maxime l’a rejointe en 2005.
En famille et entre amis, une verticale est organisée avec des bouteilles de différents millésimes, jusqu’à 30 ans. Chaque bouteille raconte une histoire. La « mémé » 1990 est une cuvée particulière, issue de vieilles vignes d’environ 140 ans…
Comme le dit Michèle dans le reportage « Les vins naturels ne se coupent pas du temps ni du lieu ». Maxime se souvient de l’année 2006 comme sa première année de vinification et la dégustation de la cuvée « Pascal » pour Michèle en 2000 avait été un grand moment d’émotion pour elle qui la porte encore…C’est beau de voir ses yeux briller 🙂
Une Révolution en marche
Les vins bio, biodynamiques et natures sont en passe de gagner leur pari. Les consommateurs veulent boire sain et redécouvrir l’originalité des goûts. Les grands domaines se mettent discrètement à la viticulture bio ou biodynamique. Ils ne peuvent pas laisser passer le train de cette révolution initiée par des vignerons éclairés.
C’est bien pour cela que je ne veux boire que ce type de vins 🙂