Retrouver la liberté d’être soi grâce à nos talents cachés.

Aujourd’hui, nous allons plonger dans un sujet qui me tient particulièrement à cœur, un sujet qui touche au plus profond de notre potentiel et à la manière dont la société, à travers son système éducatif, façonne – ou parfois étouffe – ce que nous sommes censés devenir. Nous allons explorer une question fondamentale : l’école tue-t-elle la créativité ?

Pour cela, nous allons nous appuyer sur les réflexions fascinantes d’un expert reconnu, Sir Ken Robinson et son humour anglais :-), tirées d’une conférence Tedx qui a marqué les esprits avec ses 24 millions de vues sur Youtube et que vous retrouverez à la fin de cet article. J’avais déjà partagé cette vidéo qui date du début des années 2000 il y a presque 10 ans sur un autre blog. En la réécoutant, je réalise l’importance de ce qui est dit par Ken Robinson notamment avec l’explosion des réseaux sociaux, l’IA etc…

L’extraordinaire créativité humaine

Nous sommes entourés de preuves extraordinaires de la créativité humaine, visibles dans chaque domaine, chez chaque individu, dans la variété et l’étendue de nos capacités. Pourtant, il semble que notre système éducatif ne valorise pas pleinement cette richesse. Nous vivons à une époque où personne n’a réellement une idée claire de ce qui va arriver dans le futur, de la manière dont les choses vont se dérouler. C’est précisément l’éducation qui est censée nous aider à naviguer dans ce futur insaisissable. Et pourtant, nous préparons les élèves d’aujourd’hui, qui prendront leur retraite en 2065, à un monde dont nous ne savons même pas à quoi il ressemblera dans cinq ans. L’imprévisibilité est, à mon sens, extraordinaire.

Ce que nous savons, ou du moins ce que nous reconnaissons de plus en plus, c’est que les enfants ont des capacités impressionnantes, notamment en matière d’innovation. Il suffit d’observer leur spontanéité. Ken Robinson mentionne l’émerveillement ressenti en observant une jeune artiste nommée Sirena la veille de sa conférence. Il ne la considère pas comme une exception, mais plutôt comme une personne extrêmement dévouée qui a découvert son talent. Et c’est là qu’il pose une affirmation forte : tous les enfants ont un talent formidable, que nous dilapidons impitoyablement.

Education et créativité

Pour Sir Ken Robinson, parler d’éducation, c’est inévitablement parler de créativité. Il affirme, et je pense que c’est une idée cruciale pour notre quête de liberté et de réalisation de soi, que la créativité est aussi cruciale que l’alphabétisation et que nous devrions la traiter de la même manière. Imaginez un monde où l’éducation accorde autant d’importance à la capacité d’avoir des idées originales et de valeur qu’à la capacité de lire et d’écrire !

L’une des illustrations les plus parlantes de la nature intrinsèquement créative des enfants réside dans leur audace, leur willingness to « give it a go » comme le dit l’auteur en anglais. Ils tentent leur chance. S’ils ne savent pas, ils essaient quelque chose. Et surtout, les enfants ne craignent pas d’avoir tort. Ce n’est pas que l’erreur soit la même chose que la créativité, loin de là. Mais ce qui est certain, c’est que sans être préparé à avoir tort, on ne peut pas imaginer quelque chose d’original. La peur de l’erreur est l’antithèse de l’originalité.

Le problème est que, avant de devenir adultes, la plupart des enfants ont perdu cette capacité. Ils ont désormais, selon les termes de l’auteur, la phobie de l’erreur. Nos sociétés, nos entreprises, et surtout nos systèmes d’éducation sont ainsi gérés : nous stigmatisons les erreurs. Conséquence directe, nous entretenons des systèmes où une erreur est la pire chose que l’on puisse faire. Le résultat ? Nous éduquons, ou plutôt, nous éduquons les gens en dehors de leurs capacités créatives.

Tous les enfants naissent artistes

Picasso l’aurait dit un jour : « Tous les enfants naissent artistes. Le problème est de rester artiste en grandissant ». Sir Ken Robinson va plus loin et croit sincèrement que l’on ne grandit pas dans la créativité, mais en dehors de celle-ci. C’est l’éducation qui nous en fait sortir.

Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi ce système qui est censé nous préparer au monde nous prive-t-il de l’une de nos capacités les plus précieuses ? L’auteur nous éclaire en expliquant la structure et l’origine de la hiérarchie des matières dans les systèmes éducatifs mondiaux. Il observe que chaque système d’éducation sur Terre, sans exception, a la même hiérarchie : en haut, les mathématiques et les langues, puis les humanités (sciences humaines), et tout en bas, les arts. Et même au sein des arts, il y a une hiérarchie, l’art et la musique étant considérés comme plus importants que le théâtre et la danse.

Je me souviens de mes cours de musique au collège il y a 40 ans ou plutôt mes cours de flûte…Apparemment, rien n’a vraiment changé vu les retours de nos garçons il y a une dizaine d’années. Heureusement, Internet est arrivé et des artistes ont pu trouver des moyens d’apprendre et de s’exprimer sans passer par la case école qui de toutes façons est quasi inexistante pour les aspects artistiques ou même sportifs. Jul en parle très bien dans l’émission Clique de Mouloud Achour ci-dessous à partir de la 28 ième minute.

Cette hiérarchie, nous dit-il, n’est pas le fruit du hasard ou d’une évaluation intrinsèque de la valeur de chaque matière pour le développement humain. Non, « aucun système d’éducation terrestre n’enseigne quotidiennement la danse de la même manière que les mathématiques, alors même que les enfants dansent tout le temps, que nous avons tous un corps ». Clairement, en grandissant, on commence par éduquer le corps, puis on se focalise sur la tête, et même là, plutôt d’un côté.

Industrialisation et compétences théoriques

Cette structure s’explique historiquement. Les systèmes d’éducation publics, tels que nous les connaissons, n’existaient pas avant le XIXème siècle. Ils sont apparus pour répondre aux besoins de l’industrialisation. La hiérarchie des matières découle donc de deux idées principales.

Premièrement, les matières importantes pour le travail sont en haut : Mathématiques et langues

C’est pourquoi, nous explique l’auteur, la plupart d’entre nous ont probablement été doucement écartés, à l’école, de choses que nous aimions, sous prétexte que nous n’aurions pas pu en faire notre métier. On nous disait : « Ne fais pas de musique, tu ne seras pas musicien ; ne fais pas d’art, tu ne seras pas artiste ». Ce conseil, bien intentionné en apparence, est profondément erroné.

Deuxièmement, les compétences théoriques dominent notre vision de l’intelligence.

Pourquoi ? Parce que les universités ont conçu le système à leur image. L’ensemble du système de l’éducation publique est, selon Ken Robinson, un processus prolongé d’entrée à l’université. Si un extraterrestre observait notre éducation et demandait quel est son but, en regardant ceux qui réussissent, qui font tout ce qui est demandé, qui reçoivent les bons points, qui sont les vainqueurs, il faudrait répondre que le but de l’éducation publique à travers le monde est de produire des professeurs d’université. Les professeurs d’université terminent premiers dans ce système. L’auteur, étant lui-même l’un d’entre eux, le dit avec humour. Ils ne sont qu’une forme de vie, intrigante certes, mais une seule forme de vie parmi d’autres. Ils vivent, selon son observation, dans leur tête, légèrement d’un côté, désincarnés. Ils voient leur corps comme un simple moyen de transport pour leur tête, pour aller à une réunion.

Cette focalisation étroite sur les compétences théoriques et ce modèle unique de réussite ont des conséquences désastreuses pour notre créativité et, par extension, pour notre capacité à devenir pleinement nous-mêmes. De nombreuses personnes talentueuses, brillantes et créatives pensent qu’elles ne le sont pas. Pourquoi ? Parce que ce qu’elles réussissaient à l’école n’était pas jugé important ou était stigmatisé.

Repenser notre vision de l’intelligence

Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie, d’autant plus que le monde est en pleine révolution. L’auteur souligne une réalité frappante : dans les 30 prochaines années, selon l’UNESCO, il y aura plus de diplômés dans le monde que depuis le début de l’Histoire. Cela est dû à la technologie, à ses effets sur le travail, et à l’explosion démographique. Conséquence ? Les diplômes n’ont plus la même valeur. Autrefois, avec un diplôme, on avait un travail. Aujourd’hui, des enfants diplômés reviennent à la maison jouer aux jeux vidéo, car un travail nécessite un master, ou un doctorat. C’est une inflation scolaire. Cela indique que la structure même de l’éducation se dérobe sous nos pieds. Le modèle hérité de l’ère industrielle n’est plus pertinent.

Il est donc urgent, fondamentalement, de radicalement repenser notre vision de l’intelligence. Sir Ken Robinson nous propose trois points clés sur l’intelligence, issus de ses recherches et observations, notamment pour son livre « L’Élément ».

Premièrement, l’intelligence est diversifiée.

Nous ne pensons pas d’une seule manière. Nous pensons au monde grâce à tous nos sens. On pense de manière visuelle, auditive, kinesthésique etc…On pense de façon abstraite, mais aussi en mouvements. Reconnaître cette diversité est essentiel pour ne pas cantonner l’intelligence aux seules capacités académiques.

Deuxièmement, l’intelligence est dynamique.

Si l’on observe les interactions dans notre cerveau, comme on l’a vu dans les présentations mentionnées par l’auteur, l’intelligence est incroyablement interactive. Le cerveau n’est pas divisé en compartiments étanches. En fait, la créativité elle-même, définie comme le processus d’avoir des idées originales de valeur, provient la plupart du temps de l’interaction de manières interdisciplinaires de voir les choses. L’auteur illustre cela avec une anecdote humoristique sur les différences entre les hommes et les femmes en matière de multitâche, mentionnant le corpus callosum. Bien que présentée de manière légère, l’idée sous-jacente est que la capacité à connecter différentes aires ou modes de pensée favorise l’émergence de nouvelles idées.

Troisièmement, l’intelligence est profonde.

Elle est liée à la découverte de notre talent, ce que l’auteur appelle « L’Élément » dans son livre qui porte ce titre. Ce sont ces domaines où nous nous sentons le plus nous-mêmes, les plus vivants, les plus compétents. Pour illustrer ce point, il raconte l’histoire extraordinaire de Gillian Lynne.

Gillian Lynne est une chorégraphe de renommée mondiale, connue pour son travail sur des comédies musicales comme « Cats » et « Le Fantôme de l’Opéra ». Pourtant, son parcours scolaire fut difficile. À l’école, dans les années 30, on pensait qu’elle avait un trouble d’apprentissage. Elle ne tenait pas en place. Aujourd’hui, explique l’auteur, on diagnostiquerait cela comme de l’hyperactivité. Mais dans les années 30, l’hyperactivité n’avait pas encore été « inventée », ce n’était pas une « maladie disponible ».

Ses parents, inquiets, l’ont emmenée voir un spécialiste. Dans une pièce lambrissée, Gillian, six ans, s’est assise sur une chaise au fond, s’est tourné les pouces, tandis que le docteur parlait à sa mère des problèmes de Gillian à l’école : elle dérangeait les autres, ne faisait pas ses devoirs, etc.. À la fin de la consultation, le docteur a dit à la mère qu’il avait besoin de lui parler en privé. Avant de quitter la pièce avec la mère, il a allumé la radio posée sur son bureau. Une fois dehors, il a dit à la mère : « Observez-la ».

Dès qu’ils ont quitté la salle, la petite Gillian s’est levée et a commencé à danser sur la musique. Après l’avoir regardée quelques minutes, le docteur s’est tourné vers la mère et a prononcé ces mots qui ont changé la vie de Gillian : « Madame Lynne, Gillian n’est pas malade. C’est une danseuse. Amenez-la à une école de danse.« 

Gillian a raconté à Sir Ken Robinson à quel point cela fut formidable. Arrivée à l’école de danse, elle s’est retrouvée dans une salle remplie de gens comme elle, qui ne pouvaient pas rester immobiles. Des gens qui, selon ses mots, « devaient bouger pour penser ». Ils ont fait du ballet, des claquettes, du jazz, du moderne, du contemporain. Gillian a finalement été auditionnée pour la Royal Ballet School, est devenue soliste, a eu une belle carrière, a fondé sa propre compagnie, a rencontré Andrew Lloyd Webber, et est devenue l’une des chorégraphes les plus importantes de l’histoire des comédies musicales, réjouissant des millions de personnes et devenant multimillionnaire.

Combien de talents peuvent être gâchés…

Quelle différence cela aurait fait si quelqu’un d’autre lui avait simplement donné des médicaments pour la calmer, comme cela arrive si souvent aujourd’hui ? Son histoire est une preuve éclatante que ce qui est perçu comme un « problème » dans un cadre académique restrictif peut être la clé d’un talent extraordinaire et d’une vie épanouie dans un environnement qui reconnaît et nourrit cette particularité. Gillian Lynne a pu devenir qui elle était, libre de son besoin de bouger pour penser.

Cette histoire nous ramène à l’idée d’une nouvelle conception de l’écologie humaine. Tout comme le mouvement écologiste a appris à voir la Terre et ses ressources d’une manière nouvelle, nous devons repenser notre vision de la richesse des capacités humaines. Le système éducatif, en se concentrant sur une gamme étroite de capacités et en négligeant ou en stigmatisant les autres, a miné notre esprit de la même manière que l’on extrait les ressources du sol terrestre, sans considération pour l’écosystème global. Cette approche n’est plus viable pour l’avenir.

Réinventer les principes fondamentaux de l’éducation

Nous devons réinventer les principes fondamentaux de l’éducation de nos enfants. Nous devons apprécier les capacités créatives pour la richesse qu’elles représentent. Nous devons apprécier nos enfants pour l’espoir qu’ils représentent. La citation de Jonas Salk, mentionnée par l’auteur, est percutante : si tous les insectes disparaissaient, toute vie s’éteindrait en 50 ans ; si tous les humains disparaissaient, toutes les formes de vie prospéreraient sur Terre en 50 ans. Cela met en perspective notre rôle et la nécessité d’utiliser notre don de l’imagination humaine sagement.

Notre tâche, en tant que parents, éducateurs, et membres de la société, mais aussi en tant qu’individus cherchant à « devenir qui nous sommes », est d’éduquer tout l’être de l’enfant, ou de cultiver tout notre être, afin qu’ils, et nous, puissions affronter le futur. Un futur que nous ne verrons peut-être pas, mais qu’ils verront. Notre mission est de leur permettre d’en faire quelque chose, d’y apporter leur contribution unique, née de leurs talents diversifiés et de leur créativité.

Pour nous, adultes, sur la voie de « devenir qui tu es », cela implique de déconstruire les préjugés et les peurs que le système éducatif a pu implanter en nous. Cela signifie reconnaître que l’intelligence ne se limite pas aux diplômes ou aux capacités académiques. Cela signifie accepter de ne pas avoir peur de l’erreur, de tenter, d’explorer, de jouer, de danser, de dessiner, d’écrire, de construire, de bouger pour penser. C’est en osant être imparfait que l’on peut découvrir quelque chose d’original.

Reconnaître l’intelligence comme diversifiée, dynamique et profonde nous ouvre à une compréhension beaucoup plus riche de nous-mêmes et des autres. Cela nous permet de valoriser les talents qui ne rentrent pas dans les cases traditionnelles, qu’il s’agisse d’aptitudes artistiques, kinesthésiques, relationnelles, entrepreneuriales, ou autres. Chaque personne porte en elle une combinaison unique de ces intelligences et talents. Trouver « L’Élément », c’est trouver le point de rencontre entre ce que nous aimons faire, ce dans quoi nous sommes doués, et ce qui a du sens pour nous.

Notre éducation nous a peut-être appris à vivre principalement « dans notre tête », négligeant notre corps, nos émotions, nos intuitions. Le chemin vers « devenir qui tu es » passe aussi par une réintégration de ces aspects, par une reconnaissance que penser ne se fait pas uniquement assis à un bureau, mais peut aussi se faire en bougeant, en créant, en interagissant.

Changer notre regard sur la réussite

Le défi est immense. Repenser l’éducation à l’échelle mondiale est une tâche colossale. Mais à l’échelle individuelle, chacun de nous peut commencer à cultiver sa propre créativité et celle de son entourage, en particulier des enfants. Cela commence par changer notre regard sur l’erreur, sur la réussite (qui n’est pas uniquement académique ou professionnelle dans les domaines classiques), et sur la valeur intrinsèque des arts et de l’expression personnelle sous toutes ses formes.

Nous devons encourager l’exploration, la curiosité, la prise de risque (calculée), et surtout, célébrer la diversité des talents humains. Car c’est dans cette diversité que réside notre plus grande richesse, la clé pour naviguer dans un futur incertain, et la voie pour permettre à chacun de s’épanouir pleinement et de « devenir qui il est ».

En conclusion, Sir Ken Robinson nous rappelle que tous les enfants naissent avec un potentiel créatif immense. Le système actuel, hérité d’une autre époque, tend à étouffer ce potentiel. En reconnaissant la nature diversifiée, dynamique et profonde de l’intelligence et en valorisant la créativité à l’égal de l’alphabétisation, nous pouvons commencer à réparer les torts et à créer un environnement où chacun est libre de découvrir et de cultiver ses talents uniques. C’est la voie vers une écologie humaine plus saine, où chaque individu peut s’épanouir et contribuer pleinement au monde, en étant véritablement lui-même.

Merci de m’avoir lu. Quelle est votre propre expérience avec la créativité et l’éducation ? Partagez vos réflexions dans les commentaires ci-dessous !


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