Aujourd’hui est la date limite de remise de ma nouvelle pour le concours organisé par https://www.the-artist-academy.fr/
Un petit peu fébrile, je me suis lancé en y participant. Un doux rêve de devenir écrivain, cela met forcément la pression 🙂 Je suis heureux de vous la partager car c’est un réel exercice que de devoir écrire une histoire captivante avec du suspens et des personnages en 10 000 signes maximum (environ 2000 mots) soit quelques pages. J’espère que j’ai réussi le challenge.
J’espère qu’elle vous plaira, vous touchera, vous procurera une émotion qui vous permettra de vous échapper un instant du monde dans lequel soi disant tout est foutu.
Un monde de chaos?
Le chaos que nous percevons comme tel actuellement est le signe d’un certain « éveil des consciences ». Nous sommes allés trop loin dans beaucoup de domaines sans prendre véritablement soin des êtres humains.
À mon sens, la véritable révolution à venir n’est pas l’IA (sujet à la mode du moment en ce début 2025) en elle-même mais plutôt la manière dont nous allons la mettre véritablement au service de l’humain et pas uniquement pour nous enrichir. En l’occurence pour son bien-être. Les GAFA et autres Tik-Tok nous montrent bien que nous avons loupé le virage de l’Internet de ce point de vue là. Et surtout du point de vue des ados. En tous cas, la promesse des premiers jours : L’information libre à foison, pour tout le monde.
Cela peut paraitre naïf mais c’est la seule option pour ne pas laisser sur le bord de la route celles et ceux (les moins formés et les plus âgés d’entre nous) qui ont enchainé les bouleversements technologiques depuis ces dernières décennies. Pas besoin d’aller chercher bien loin. Pas besoin de faire référence à mes parents qui ont plus de 80 ans. Ne serait-ce que mon expérience de quinqua libre et heureux 🙂
Je me souviens encore de nos premiers ordinateurs portables Toshiba (qui pesaient une tonne!) lorsque j’étais étudiant à l’Idrac à Montpellier, il y a un peu plus de 30 ans. Les cours d’informatique consistaient à comprendre comment réaliser des balbutiements de codage avec les fameux DIR/W ! 🙂
30 ans après, on nous parle de Nocode, automatisation etc…et que les logiciels que j’ai utilisés pendant des années (et que j’utilise encore) comme Excel sont bons à mettre au rencard…comme les 50 ans et plus 🙂
Bon, je sens que je m’éloigne du sujet. Je vous mets le lien de mon dernier article qui reprend les avantages d’écrire régulièrement des nouvelles plutôt courtes selon Bernard Werber. Je confirme que cela correspond pour moi à une sorte de plan pour un futur roman https://etre-libre.com/comment-ecrire-un-roman-selon-bernard-werber/
Ma nouvelle
Je me lance et soyez libres de commenter qu’elle vous plaise ou non. Cela ne pourra que me faire progresser. Bonne lecture !
Nina
Je t’observe en silence.
Tu dors.
Toujours sur ton côté gauche. Je t’entends respirer lentement. Sans le savoir, tu me laisses admirer le va et vient de tes épaules de gladiateur. Je me fais discrète. Je me plais à penser que tu te reposes enfin de tes longues journées harassantes.
J’aime tellement lorsque tu me racontes à toute allure et à la limite de l’essoufflement, un verre à la main, grandiloquent, tes difficultés de petit patron comme tu dis. Malgré mes efforts, je ne vois pas comment t’aider. Quels précieux conseils pourrais-je te donner, moi qui suis plutôt tête en l’air à profiter du moment présent ?
Ça y est ! Tu entrouvres tes yeux verts amande.
Promis, je n’ai pas fait de bruit. Tu me lances un regard amusé et me souris. Tu t’approches doucement, tes doigts effleurent ma peau avec la tendresse d’un amant inconscient du désir qu’il éveille. Tu aimes me caresser, sentir sous ta paume la douceur de mon corps qui frisonne.
Parfois, tu me parles.
C’est vrai que tu n’es pas un grand bavard mon Léo. Tu préfères l’action. Peu m’importe. Quelques mots simples qui, pour moi, raisonnent tel un poème que tu m’aurais dédié. J’aime aussi lorsque tu hausses le ton parfois. Étrangement, cela me rassure. Même si ça peut me faire un peu peur lorsque il t’arrive de me bousculer.
Tu entrouvres la fenêtre, l’air frais me fait frémir. Cela te fait rire. Je me cambre sous cette sensation. Je capte ton attention «Tu as de la chance ma Nina que je sois pressé sinon je me serais occupé de toi. »
J’imagine des matins où ton téléphone ne battrait pas la chamade pour lancer ton rituel quotidien. Après quelques pas de danse, nu, sur une chanson que tu fredonnes, tu sautilles vers la douche que tu termines, peu importe la saison, par de l’eau glacée. Tu t’habilles en quelques minutes en sifflotant. Ton parfum se confond avec celui de ton café serré qui annonce une nouvelle journée sans toi. Tu pourrais prendre plus de temps pour moi quelquefois.
Les journées, lorsque ton absence se fait sentir mon Léo, je lutte contre la solitude. Je t’imagine avec moi. Ton regard pétillant. Tes mains baladeuses. Ton humour désuet. La vie a fait que nous ne pouvons pas avoir d’enfant. Cela ne m’empêche pas de m’épanouir à tes côtés. C’est peut-être mieux ainsi.
Léo tient sa carrure de son père. Il était costaud. Super costaud. Il tapait fort. Il avait eu un début de carrière dans le rugby qui s’était arrêté net. Au même instant que son genou droit avait lâché pour la énième fois. La puissance des coups qu’il portait, lorsque Léo vivait chez ses parents, transpirait la colère qu’il avait en lui. Derrière sa nonchalance, il cachait cette rage de ne pas avoir tenu, ne serait-ce qu’une seule fois, le bouclier de Brennus qui aurait, croyait-il, rempli ce vide en lui qui le rongeait.
Ses amis d’enfance s’amusaient à le chambrer lors d’interminables repas qui n’en finissaient jamais de refaire l’histoire. Il n’avait pas porté le maillot national non plus. Il n’avait pas eu l’occasion d’en ramener un chez lui. Ce bout de tissu qu’il aimait tant. Imbibé de sueur et de sang, le sien et celui de l’équipe adverse, signe des combats trop souvent répétés sur les gazons troués de l’hexagone.
C’était toujours la même rengaine, quelques bières (beaucoup de bières) et le sujet revenait toujours à ce foutu match :
- Tu étais le meilleur d’entre nous ! Tu nous a tellement manqués après !
- Arrêtez les gars. C’est la vie, c’est comme ça.
- T’imagines si tu avais continué avec nous ?
- J’imagine rien. Je vous ai vus à la télé. J’avais tellement envie de jouer que j’ai failli la casser cette putain de télosh !
A plusieurs reprises, Léo avait été surpris de voir son père s’écrouler sur le canapé juste après avoir raccompagné ses super potes. Il s’attendait à en découdre. Il l’entendait rire. Il était le champion des éclats de voix dans la rue et des éclats de haine de retour à la maison. De véritables coups de massue. Etrangement, il n’y avait pas vraiment de règles.
Il n’aurait jamais osé lever un sourcil sur la maman de Léo. C’était une ancienne athlète de haut niveau en natation devenue prof de sport dans un collège. Une carrure de celle qui avait enchaîné les bassins. Il pouvait hausser le ton mais se reprenait très vite car l’amour qu’il lui portait le ramener immédiatement à la raison. Elle impressionnait avec sa largeur d’épaules et ses immenses jambes. D’où son surnom, «la sauterelle». Comme celles qu’on trouve dans le Pacifique. Des immenses sauterelles vertes (marron pour les mâles qui sont beaucoup plus petits) qui peuvent atteindre 20 cm et font un bruit d’enfer lorsqu’elles dévorent les feuilles de palmiers ou de cocotiers dans les jardins.
Elle bougeait et se déplaçait comme si elle était en chambre d’appel avant une compétition. Concentrée, des gestes simples et maîtrisés, avare de mots. La plupart étaient inutiles. Ces grands yeux joueurs éclairaient tellement son visage lorsqu’elle voulait passer un message que les paroles avaient peu d’intérêts. Ses élèves se sentaient pousser des ailes à ses côtés. Et celles et ceux qui savaient que son fils était Léo débordaient encore plus d’enthousiasme et d’envie de lui montrer qu’ils pouvaient aussi être des champions.
Le père de Léo était policier municipal. Il impressionnait son monde avec son physique. En 30 ans, Il n’avait pas eu besoin de s’en servir. Désormais, il débordait de plus en plus de sa mobylette. Cela faisait sourire les passants qui l’observaient lorsqu’il déambulait dessus se remémorant la carrière qu’il aurait pu avoir.
Au fond, c’était un vrai nounours. Quand il ne buvait pas. Et en fin de compte, hormis avec les copains du rugby qui savaient appuyer là où cela lui faisait mal, il n’avait pas vraiment d’occasion de boire quelques verres de trop. En plus, Léo n’était plus là. il n’avait plus personne sur qui frapper.
A peine âgé de 15 ans, Léo parti au pôle espoir Rugby à Biarritz sur la côte basque. C’est seulement avec le recul et en côtoyant d’autres internes qu’il comprit que s’éloigner de son père avait été une bénédiction. Sa mère lui manquait mais il savait qu’elle n’était pas en danger.
Comment savoir que ce que Léo vivait n’était pas la normalité ? Il n’en parlait jamais à ses copains et le parcours (assez bref finalement) de son père était si apprécié par son entourage. Et lui, s’était habitué à gérer ses débordements de haine. En plus, Léo comprenait le ressentiment que son père avait en lui et que l’alcool libérait occasionnellement. A part ces moments pénibles pour tout le monde, la vie en famille était plutôt agréable avant son départ. Pas beaucoup d’argent mais à quoi bon ?
Désormais, jeune retraité d’une belle carrière avec quelques prestations remarquées en équipe de France (que son père ne manque pas de lui rappeler à la moindre occasion en exagérant le rôle de son fils), Léo vient de lancer une agence de voyage spécialisée autour d’évènements sportifs. Principalement autour du ballon ovale qu’il aime tant !
Alors pas de temps pour les enfants, en tous cas, pas les siens. Léo se confie quelquefois après quelques verres. Il m’a avoué sa crainte d’avoir en lui le gêne de la violence transmis par son père. Pour celui de l’alcool, il n’avait besoin de personne. Je sais que les troisièmes mi-temps lui manquent. Surtout pour la franche camaraderie qu’offre ce sport, être aimé, sans chichi, pour la vie.
Il s’éloigne de plus en plus pour son travail. Son absence me ronge. Je patiente. Je sais, je dois grandir. Tu me le dis assez souvent mon Léo.
Un jour, je ne saurais plus dire quand exactement, j’ai commencé à sentir sur lui le parfum d’une autre. Je me suis dit que ce n’était rien. Puis, cela a recommencé. Maintenant, cette nouvelle odeur exotique envahit l’appartement. Avant que ce soit elle qui ne s’impose. Maeva.
Il ose me parler d’elle comme si c’était normal qu’elle soit là. C’est surtout sa capacité à faire naitre des émotions si fortes chez Léo (que je connaissais pas) qui a ravivé une blessure en moi. Je l’ai aperçu les larmes aux yeux. Ce grand gaillard !
Son regard se détourne de moi pour se poser de plus en plus sur elle. Ses formes généreuses l’amadouent. Je sais que Léo les aime et que je ne peux rivaliser. J’ai alors compris que je n’étais plus seule dans son cœur. J’aurais pu m’avouer vaincue mais j’ai décidé de ne pas me laisser faire, de me battre.
Je me suis redressée, fière. J’ai cherché à capter son regard, à exister à nouveau sous ses yeux. Mais il était ailleurs. J’ai attendu qu’il revienne vers moi, qu’il se rappelle la puissance de notre relation. Il l’a fait, bien sûr, mais ce n’était plus pareil.
Et puis des semaines ont passé pendant lesquelles il semblait m’ignorer. Un monde de frôlements. Cela pouvait peut-être le satisfaire mais pas moi. J’avais besoin de le sentir pour de bon. À mes côtés.
Progressivement, il a commencé à me parler à nouveau et me dire son chagrin d’avoir pu me faire du mal avec sa relation avec Maeva. « Tout cela est resté bien sûr platonique ma belle Nina » m’a t-il assené sourire en coin de sa voix grave du petit chef d’entreprise conquérant qu’il était désormais.
Quel soulagement pour moi, même si je m’étais toujours interdit d’être jalouse. Quelle perte de temps dans un monde où tout peut basculer du jour au lendemain !
Mais le chagrin de Léo ne se dissipait pas. Un chagrin ou plutôt un mal être qu’il noyait petit à petit dans des verres de plus en plus régulier de ce fameux scotch écossais Glenfiddich qu’il avait découvert lors de ses tournois au stade Scottish Gas de Murrayfield, dans l’ouest d’Édimbourg. L’homme que j’aimais plus que tout disparaissait à petit feu.
Puis, un matin, avant de partir au travail, légèrement en retard alors que cela ne lui arrivait jamais, je le vois déambuler dans l’appartement avec un éclat métallique dans la main. Mon être tout entier se contracte. Une intuition glaciale me parvient soudainement. Je frissonne de haut en bas. Etrangement, il me sourit. J’ai le sentiment qu’il n’a aucune idée de ce qu’il s’apprête à faire, à me faire. Je ne veux pas qu’il se fasse du mal. Qu’il nous fasse du mal.
Je sens la lame qui effleure ma peau. Je frémis. Mon corps se tend dans une supplique silencieuse. Un instant, j’espère qu’il s’arrêtera. Qu’il comprendra.
Comment peut-on aimer un homme à ce point pour rester figé de la sorte?
Mais non.
D’un geste sûr, je sens sa lame me pénétrer. Une douleur d’abord insidieuse et muette s’empare de moi. Puis se répand doucement. Comment tant d’amour peut-il être récompensé de la sorte ? Qu’ai-je fait de mal pour mériter cela ?
Une part de moi s’effondre, gît à ses pieds, inerte. Il m’observe un instant. Je ne détecte pourtant aucune agressivité dans son regard. Je dirais même de la compassion ou de la satisfaction du devoir accompli.
Et moi, mutilée, je reste là, oscillant faiblement sous la lumière du matin. Silencieuse. Malheureuse.
Une plante ne pleure pas.