Je me sens comme un gamin lors d’un nouveau challenge comme celui-ci !
Il faut tout réapprendre, oser poser des questions, se remettre en question et ne pas avoir peur du ridicule pour se lancer un défi qui sort complètement de mon quotidien.
En même temps, l’aspect économique est bien présent. Même si je n’ai pas choisi cette reconversion pour l’aspect financier sinon j’aurai opté pour agent immobilier, notaire ou trader 🙂 !
Une question de vocabulaire
J’ai exercé de nombreux métiers avant de décider de me reconvertir en tant que paysan vigneron fin 2021. Avec le recul, hormis les connaissances à acquérir et surtout l’expérience du terrain, je réalise que la notion de vocabulaire est essentielle. Finalement, c’est assez simple lorsqu’on utilise les mots justes pour se faire comprendre 🙂
J’ai connu ça lorsque j’ai démarré en tant que commercial dans le second-oeuvre chez http://www.bostik.fr . Les différents types de colles, de mastics, de peinture. Puis chez Isoroy https://fr.wikipedia.org/wiki/Isoroy avec les différentes sortes de panneaux bois. Surtout au contact des professionnels du bâtiment qui n’étaient pas forcément tendres avec des petits jeunes qui démarrent. Les RDV avec les responsables des négoces bois et matériaux ou les quincailleries industrielles ont été formateurs 🙂
Puis un virage à 180 degrés dans la logistique internationale au sein d’une boite américaine qui s’implantait à l’époque en France https://www.expeditors.com/fr et la découverte des termes liés au transport. Les fameux Incoterms ! Enfin, le secteur de l’immobilier avec des projets conçus de A à Z en Nouvelle-Calédonie https://www.tropic.nc/ qui m’ont permis de réunir mes compétences dans l’import-export, le bâtiment et en découvrir de nouvelles comme les montages financiers.
Un nouveau monde : l’agriculture
Même si je suis issu du monde agricole du côté de mon papa (petit fils d’agriculteurs lorrains) qui a travaillé à la ferme familiale jusqu’à ses 14 ans (1954) avant de partir et devenir apprenti-boucher…(à la dure !) je n’ai pas été initié à ce monde et franchement cela ne m’intéressait pas. Par contre, des souvenirs indélébiles de jeux avec mes frères à la ferme dans le poulailler ou des concours idiots « Chaise vole ! » 🙂
Adolescent, je me souviens également avoir signé des papiers pour vendre des terrains situés en Lorraine à un voisin sur place alors que nous vivions à Montpellier. La valeur n’était que de quelques francs…
Ce n’est que très récemment, en discutant à propos de ma reconversion, que j’ai appris de mon père (83 ans), qu’enfant, il aidait ses parents à la ferme au lieu dit « les courbottes » qui comprenait une grande parcelle de blé, un verger de mirabelliers et de la vigne ! Lorsque je ferai mes premières cuvées de vin, il faudra penser à en appeler une « les courbottes » 🙂
Il y avait également du tabac à proximité de la maison de mon arrière-grand-père pour sa consommation personnelle. Les paysans à cette époque devaient être autonomes, autosuffisants. Plus jeune, je n’aurais jamais imaginé avoir le même objectif que mes grands-parents paternels des années plus tard.
Quelques définitions
Lorsque j’ai repris les cours par correspondance pour le bac pro, j’ai tellement cherché de définitions sur Internet pour comprendre ce que je lisais que je me suis dis que ce serait peut-être bien de vous faciliter la tâche en en regroupant quelques unes ci-dessous. C’est loin d’être exhaustif mais il faut bien démarrer 🙂
Ce glossaire est une base pour les termes essentiels liés à la permaculture, l’agroécologie et l’autonomie alimentaire
Permaculture : Système de conception et de gestion écologique basé sur l’observation de la nature et l’imitation de ses principes pour créer des systèmes agricoles productifs et durables.
A mon sens, la ferme du Bec Hellouin http://www.fermedubec.com est le meilleur exemple français que je connaisse qui s’est inspirée aussi bien d’exemples à travers le monde de conduite de jardin-potager, forêt-jardin, mandalas etc…en accord avec la nature afin de développer une « agriculture jardinée » qui prend soin des sols, des plantes, des animaux et des êtres humains qui vivent sur place.
En Normandie, la ferme est implantée sur une vingtaine d’hectares. Il y a 10 hectares de forêt, 6-7 hectares de prairie, 3/4 hectares aménagés dont seulement 4 500 M2 cultivés en 2015 alors qu’au démarrage c’était sur 7 500 M2. Ce qui montre bien l’aspect « petites surfaces » comparé à des exploitations de plusieurs dizaines voire centaines d’hectares.
L’étude de l’INRA après 9 années d’expérience de la ferme conclue qu’il est possible de cultiver et produire autant sur 1 000 M2 à la manière bio et permaculturelle que de manière traditionnelle (tracteur, intrants etc…) sur un hectare :
Un chiffre d’affaires de plus de 50 000 Euros sur cette surface avec une personne à temps plein (à ce stade de mes connaissances, cela me semble tout de même beaucoup au regard d’autres données d’autres exploitations – surtout qu’il n’y a pas de données communiquées sur les marges).
Il est à souligner que ces 1 000 M2 s’inscrivent dans un agroécosystème plus large, complexe et diversifié indispensable à ces résultats. Il faut prendre en considération cette donnée et durée de mise en place de cet écosystème résilient, autonome et permaculturel.
La ferme du Bec Hellouin, le parfait exemple de la micro-ferme bio intensive !
Agroécologie : Approche scientifique, sociale et politique qui intègre les dimensions écologiques, économiques et sociales de l’agriculture pour créer des systèmes de production alimentaire durables et résilients.
C’est là que je trouve que c’est tout de même une question de vocabulaire car en lisant cette définition, je ne trouve pas une différence fondamentale avec celle de la permaculture. Peut-être l’aspect scientifique. En même temps, depuis quelques années, je me méfie d’une approche qui serait exclusivement scientifique. La nature (prenons l’exemple d’une forêt) se débrouille très bien sans l’être humain et l’intervention de scientifiques pour développer les rendements grâce à la chimie notamment montre actuellement ses limites.
L’exemple de Cheval Blanc : domaine en agroécologie
Quoi de mieux que de partager une magnifique conférence du domaine Cheval Blanc qui depuis 10 ans mène son vignoble en agroécologie. C’est à dire sols couverts et très peu de labours, le retour des arbres dans la vigne, la polyculture (avec notamment le maraichage pour nourrir les personnes qui travaillent sur place et fournir le restaurant) et le petit élevage (poules, cochons)
Autonomie alimentaire : Capacité d’une personne, d’une famille ou d’une communauté à subvenir à ses besoins alimentaires de manière indépendante et durable, grâce à la production, la transformation et la distribution locales des aliments.
La crise du Covid a été un électrochoc pour beaucoup d’entre nous. Notamment pour souligner l’extrême fragilité de notre système d’approvisionnement de nourriture. Nous en faisons partie. A ce moment là, nous avons démarré un potager dans notre jardin de 300 M2. Avec notre chien Rio qui était tout petit, cela a été compliqué car il a goûté à beaucoup de choses 🙂 Finalement, nous nous sommes cantonnés à la production de belles tomates, des fraises et des framboises. Ce n’était qu’un début mais nous en sommes particulièrement fiers 🙂
Zone : Un espace défini dans un système de permaculture, basé sur la fréquence d’interaction humaine et la proximité des éléments.
Secteur : Direction d’où proviennent les influences extérieures (vent, soleil, eau, etc.) qui affectent un site de permaculture.
La notion de Design est primordiale en permaculture. L’idée est de concevoir le meilleur design possible en amont car c’est plus facile d’effacer une partie d’un plan que de déplacer des arbres ou des bâtiments ! 🙂
Amendement : Matière organique ou minérale ajoutée au sol pour en améliorer la structure, la fertilité ou le drainage.
Le principe est de nourrir le sol qui sait très bien se débrouiller tout seul (avec l’incroyable travail gratuit des vers de terre, la micro-faune) que cibler exclusivement les plantes avec les engrais.
Couverture du sol : Matière végétale utilisée pour protéger et nourrir le sol, en imitant la couche de feuilles et de débris organiques présents dans les écosystèmes naturels.
« Sol nu, sol foutu. sol couvert, sol prospère » !
Konrad schreiber – Verre de Terre Production
Plantes compagnes : Plantes cultivées ensemble pour leur interaction positive, telles que la protection contre les parasites, l’amélioration de la croissance ou l’apport d’éléments nutritifs au sol.
Agroforesterie : Pratique de mélange des cultures agricoles avec des arbres et des arbustes pour créer des systèmes diversifiés, productifs et résilients.
Compost : Matière organique décomposée et transformée par des micro-organismes, utilisée comme amendement pour enrichir le sol en éléments nutritifs.
Faune auxiliaire : Animaux, tels que les insectes, les oiseaux et les amphibiens, qui contribuent à la régulation naturelle des populations de ravageurs et à la pollinisation des cultures.
Énergie renouvelable : Énergie produite à partir de sources naturelles inépuisables, telles que le soleil, le vent, l’eau et la biomasse.
Fermentation : Processus de transformation des aliments par des micro-organismes (bactéries, levures, moisissures) pour en améliorer la conservation, la digestibilité et la valeur nutritionnelle.
Circuit court : Mode de distribution alimentaire favorisant la proximité géographique et les relations directes entre producteurs et consommateurs, pour réduire les intermédiaires et les impacts environnementaux liés au transport.
Et surtout, le miracle de la photosynthèse !
Lorsque je me suis plongé dans les premiers cours de biologie dans le cadre de mon bac pro viti-vinicole, j’ai halluciné sur la puissance de la photosynthèse : En résumé, les plantes créent de la matière grâce à l’énergie solaire ! Il se passerait quoi s’il y avait un dérèglement à ce niveau là ? Je n’ose imaginer…
Avant de rentrer dans le vif du sujet, ces quelques définitions d’ordre général nous permettent de tirer les grandes lignes d’une agriculture vivante, naturelle qui doit prendre le pas désormais sur l’agriculture industrielle. Surtout que la majorité des cultures en France sert à nourrir des animaux !
Finalement, c’est revenir bon sens paysan de nos anciens et les études montrent qu’il est possible de produire abondamment sur petites surfaces. Et bien sûr, des produits de qualité, bons pour la santé. Nos jardiniers-maraichers parisiens le faisaient très bien au 19 ième siècle !
Les agriculteurs d’aujourd’hui ne sont pas pour grand chose dans les dérives qu’on peut observer. Au sortir de la guerre, il fallait bien nourrir la population. Le taux de matière organique dans les sols était bon à ce moment là (de l’orde de 3 à 4%). Les engrais chimiques en ont profité. Maintenant que le taux de matière organique ne fait que baisser, il faut toujours mettre plus d’engrais dans les sols qui pour la plupart ne sont pas couverts et lors de fortes pluies filent dans les rivières, les fleuves, la mer ou l’océan. Ce n’est pas normal que nos rivières soient marrons lorsqu’il pleut !
Photo d’illustration avec Mid-Journey pour le garçon à la ferme