Dans cet article, je suis heureux de partager les points clés de la conférence « Cessez d’être gentil, soyez vrai » de Thomas D’Asembourg que vous retrouverez en format vidéo tout à la fin. Elle est issue de son livre éponyme, un best seller vendu à un demi-million d’exemplaires (que vous retrouverez aussi en format pdf) qui a marqué profondément mes choix de vie lors de l’écriture de notre vie rêvée il y a plus de 30 ans. Let’s go !

Au-delà de la gentillesse de façade : Pourquoi être vrai ?

Ce titre qui peut sembler provocateur « Cessez d’être gentil, soyez vrai » nous invite à une réflexion profonde sur nos interactions quotidiennes. Il ne s’agit pas de rejeter la vraie bonté ou la générosité, des qualités précieuses, mais plutôt de démasquer la « gentillesse de façade ».

En effet, cette façade nous pousse à dire « tout va bien » alors que tout s’effondre en nous, ou « oui, nous viendrons avec plaisir » alors que nous préférerions dire « non, plus jamais chez eux ». Cette forme d’hypocrisie, cette « langue de bois » que nous abhorrons chez les autres, nous la cultivons parfois nous-mêmes. Thomas d’Asembourg a été poussé à cette réflexion par son observation des conflits au sein même de familles aimantes, constatant un manque d’outils pour parler de soi et écouter l’autre.

L’origine du malentendu : une incapacité à nommer le vivant en soi

Initialement avocat, Thomas D’Asembourg a rapidement réalisé que les conflits qui arrivaient devant lui étaient souvent le résultat d’un malentendu, composé d’un « mal exprimé » et d’un « mal écouté ». Les personnes exprimaient des critiques ou des reproches plutôt que leurs sentiments, leurs besoins et leurs demandes, menant à la fuite ou à l’agression en retour.

Son engagement bénévole auprès des jeunes de la rue a été un tournant. Il a observé que leur violence, qu’elle soit extériorisée (agression, dégradation) ou intériorisée (drogue, alcool, dépression), cachait un « tragique manque de discernement, conscience et de vocabulaire pour nommer ce qui se passe en moi, mes sentiments et mes besoins ». Des besoins fondamentaux comme l’appartenance, le soutien, la compréhension, l’écoute, l’expression, le sens et l’amour restaient sans mots.

Ce constat a été une révélation personnelle : même avec une éducation privilégiée, il était tout aussi démuni que ces jeunes pour exprimer sa vie intérieure. Incapable de parler de sa propre tristesse ou de ses besoins dans une relation, il se contentait de « dire les quatre vérités de l’autre » plutôt que la sienne. Cette incapacité à se rejoindre soi-même l’a amené à comprendre qu’il ne pouvait s’occuper de la détresse des autres sans avoir d’abord exploré la sienne. C’est ce cheminement qui l’a conduit à la thérapie et à l’approche de la Communication Non Violente (CNV), notamment à travers les enseignements de Marshall Rosenberg.

La Communication Non Violente (CNV) : une conscience pour sortir du piège

Pour sortir des pièges relationnels, deux étapes sont nécessaires :

  1. Prendre conscience d’être pris dedans. Beaucoup de nos fonctionnements et habitudes de langage sont pris pour l’unique façon d’être, alors qu’ils peuvent être un enfer, non seulement pour nous mais pour notre entourage.
  2. Comprendre comment le piège s’est enclenché. Cela demande d’oser « se mouiller la chemise » et d’explorer les origines de ces conditionnements.

La conscience non violente permet de développer une relation plus aisée avec soi-même, avec les autres et avec la vie. L’idée n’est pas de critiquer les parents – qui ont agi avec amour et les moyens qu’ils avaient – mais de comprendre l’enclenchement de ces mécanismes.

En nous remettant dans la peau de l’enfant, nous comprenons comment des phrases bienveillantes comme « Tu serais gentil de ranger ta chambre » ont pu être encodées comme « Je t’aime si tu ranges ta chambre ». Nous avons vécu comme si l’amour était conditionnel, susceptible d’être retiré si nous n’étions pas conformes aux attentes ou si nous ne délivrions pas les résultats escomptés. Cette perception de l’amour conditionnel a engendré cinq pièges majeurs.

Les 5 pièges de notre éducation à la gentillesse

Notre éducation, souvent pleine de bonnes intentions, nous a conditionnés à croire que l’amour était conditionnel, générant des pièges récurrents.

  1. Le Piège du « Faire » à tout prix : Quand l’agitation remplace l’être
    • Nous avons appris à « faire » de plus en plus, à ajouter des choses à faire, au risque qu’il y ait de moins en moins de vie dans ces choses à faire. Cette course effrénée nous éloigne de notre être profond, nous empêchant de revisiter nos choix, de requalifier nos priorités ou simplement de « respirer ».
    • Bien que la générosité et le goût de contribuer soient des besoins fondamentaux, Thomas d’Asembourg souligne qu’une grande partie de notre « faire » est en réalité motivée par la peur de perdre l’amour de l’autre. Nous faisons de plus en plus « pour être aimé, pour être reconnu », transformant notre vie en une course épuisante à la quête de l’amour que nous n’arrivons pas à nous donner.
    • L’exemple du père, toujours pressé de « résoudre » les problèmes de son fils au lieu de l’écouter, illustre ce piège. Incapable d’habiter sa propre souffrance ou son doute, le parent « résout » par réflexe, manquant la véritable écoute qui consiste à rejoindre l’autre là où il est, même dans sa détresse ou sa « platitude ». L’écoute non jugeante permet à la personne de trouver ses propres solutions, sans conseils ni attentes.
      • Je confirme que le Papa que je suis se retrouve souvent dans cette « fonction » de tenter de résoudre les éventuelles difficultés que rencontrent nos grands garçons désormais. Leur maman m’accompagne allègrement sur ce sujet 🙂 Heureusement, la lecture de ce type d’ouvrage nous a fait prendre conscience de ces « réflexes » qui partent finalement d’une bonne intention. Alors, nous prenons un maximum de temps pour échanger et pour poser autant que possible les bonnes questions et nous restreindre dans les solutions clés en main du haut de nos demi-siècle respectifs 🙂
  2. Le Piège de l’estime de soi conditionnée : Le regard de l’autre comme boussole
    • Nous avons souvent placé notre estime de soi dans le regard de l’autre : « si l’autre est content, tout va bien ; si l’autre est fâché, rien ne va plus ». Cette dépendance nous rend extrêmement vulnérables, nous transformant en un « Pinocchio » qui passe son temps à essayer de plaire et d’éviter de déplaire, sans énergie pour être soi-même.
    • Ce manque d’estime de soi rend difficile la tolérance aux désaccords et aux conflits. Nous avons souvent du mal à écouter tranquillement des idées différentes des nôtres, sans intervenir en moins de 30 secondes.
    • Ce comportement vient d’une confusion tragique : nous confondons désaccord et désamour. La sécurité affective, l’assurance d’être aimé inconditionnellement, est essentielle pour pouvoir entendre une critique ou une réprimande sans que l’amour ne soit remis en question.
  3. Le Piège de la différence : Peur d’être soi
    • Malgré nos bonnes intentions de célébrer la richesse de la différence, nous avons du mal à ne pas la voir comme menaçante. Cela provient souvent de notre propre expérience d’enfance où notre joie de vivre ou notre fantaisie a pu être « rentrée dans la petite boîte du gentil » pour s’intégrer. Ayant vécu notre propre différence comme une menace (« on ne va pas m’aimer »), nous avons étouffé notre élan de vie pour correspondre aux attentes.
    • Plus tard, cette peur nous pousse à parler « fringues » ou « foot » avec les autres, alors que nous voudrions parler de poésie ou d’aventure. La conséquence est que nous tolérons mal l’authenticité des autres s’ils vivent ou pensent différemment, car cela remet en question notre propre conformisme.
    • Accueillir la différence de l’autre commence par travailler l’accueil de notre propre différence. Devenir vraiment soi-même, au-delà du personnage, peut bousculer l’entourage, mais cela « réanime » et « réoxygène » tout l’écosystème. Le sens de la vie est de quitter le « petit égo contracté » pour tendre vers un « être en expansion ». « Nous ne sommes pas sur terre pour ronronner dans notre zone de confort ».
    • Cela implique de choisir d’être heureux plutôt que d’avoir toujours raison, le conflit devenant alors une « friction créatrice » qui nous aide à grandir.
      • « Être heureux plutôt qu’avoir raison ». J’ai parlé de cette notion récemment à des amis car nous n’étions pas d’accord sur un sujet en particulier et le débat est monté en tension. Le lendemain, une fois la tension retombée, nous avons débattu paisiblement autour de ce concept. Cela nous a permis de réaborder plus sereinement d’autres sujets sur lesquels nous pouvions ne pas être d’accord.
  4. Le piège du « Oui » forcé : Les dangers de ne pas dire non
    • Pour beaucoup, il est difficile de dire et d’entendre « non », surtout à la bonne personne. L’accumulation de « oui gentils » prononcés alors que nous pensions « non » crée un effet de « cocotte minute ». Nos frustrations refoulées s’accumulent sous le couvercle des conditionnements familiaux, scolaires, sociaux, jusqu’à ce que la cocotte minute explose de manière disproportionnée ou, pire encore, implose, menant à la dépression ou au burnout.
    • Thomas d’Asembourg insiste sur l’importance de l’hygiène psychique : tout comme nous nous nous lavons physiquement, nous devrions prendre une douche psychique, nous « nettoyer » des conflits et frustrations de notre journée avant d’interagir avec nos proches, et vice versa. La peur de ne pas être aimé est souvent la racine de notre incapacité à dire non.
    • Il propose aussi de clarifier ce à quoi nous disons « oui » lorsque nous disons « non ». Par exemple, refuser une invitation peut se faire en exprimant un « oui » à la vie de famille ou à l’intimité. Cette approche, illustrée par l’exemple de la fille et de son père (cadeau) ou de l’employé avec son patron (augmentation), permet de transformer des rapports de domination/soumission en une rencontre de besoins mutuels. Elle nous aide à sortir d’un « petit malheur supportable » pour une vie plus épanouie.
    • De mon point de vue, la frustration de s’entendre dire non a encore augmenté avec l’avènement des réseaux sociaux. Même si c’est un défouloir pour beaucoup (j’hallucine de lire les commentaires qu’Estelle reçoit suite à des parutions autour du design et de la déco), le fait d’avoir sur son fil d’actualité des sujets qui correspondent à ce que nous aimons empêche ou limite l’habitude de voir des avis ou des parutions qui vont à l’encontre de nos croyances.
  5. Le Piège de l’ignorance émotionnelle et des besoins : vivre à côté de soi
    • Nous manquons souvent de modèles clairs pour comprendre et gérer nos émotions. L’éducation privilégie souvent le mental, la logique et l’analyse, au détriment de notre intelligence émotionnelle.
      • Des messages subliminaux (« ne te réjouis pas trop », « ne sois pas en colère », « pas le droit d’être triste ») nous poussent à nous couper de nos sentiments pour être « sage et raisonnable ». Le résultat ? Nous passons 35 ans « juste à côté de nous-mêmes », à côté de nos envies, pour tenter de plaire ou d’éviter de déplaire.
    • Une deuxième coupure souvent bien intentionnée est l’interdit de s’occuper de soi pour s’occuper des autres, ce qui nous coupe de nos besoins. Pourtant, comment s’occuper adéquatement de l’autre si on ne s’occupe pas d’abord de soi ?. Accueillir nos propres « saisons » intérieures (doutes, tristesse, peurs) est essentiel pour pouvoir respecter celles des autres.
      • Thomas d’Asenbourg met en lumière la difficulté à formuler des demandes claires basées sur nos besoins, comme dans l’exemple du couple où Madame attend de Monsieur qu’il devine ses besoins. Cette « devinette » conduit à des reproches qui ferment le dialogue. Nommer ses besoins et faire des demandes concrètes permet de sortir des jugements et de retrouver le lien. Les besoins (appartenance, reconnaissance, sens, joie, etc.) sont universels et nous rassemblent, alors que nos stratégies pour les satisfaire peuvent nous diviser.
      • Pour finir la conférence, un autre exemple, l’histoire de Joël. Je ne me sens pas du tout concerné. Le plus que j’ai volé dans mon enfance, ce sont des confiseries au supermarché du coin 🙂 Le jeune qui volait énormément des mobylettes (plus d’une dizaine par jour !) et qui s’est retrouvé 3 mois en prison illustre parfaitement ce point. Au-delà du comportement, Joël exprimait un besoin de sentir une « vie palpitante, grisante, stimulante » et un besoin de partage et de « chaleur humaine ». Comprendre ces besoins profonds permet de sortir des logiques uniquement de punition pour proposer des modèles plus constructifs.

Être vrai : Une révolution intérieure pour un monde meilleur

Nos vies individuelles et collectives sont souvent « saccagées » par un fonctionnement purement mental et extérieur, cherchant des solutions sans rencontrer le vivant en nous. Que ce soit pour les émeutes sociales ou l’éducation sexuelle, nous avons tendance à « faire » (construire des prisons, mettre des préservatifs) sans aborder « l’être » (requalifier le sens, le respect de soi et de l’autre, la beauté des relations).

La Communication Non Violente nous invite à une révolution intérieure, à visiter notre connexion à soi pour que le monde change. Il s’agit de dépasser les « rapports de façade » où chacun cherche à avoir raison, pour se relier à la « nappe phréatique » des besoins universels qui nous rassemblent.

En apprenant à être vrai avec notre élan de vie profond, nous pouvons être profondément généreux pour nos communautés. L’écoute, la compréhension et la capacité à nommer nos besoins transforment non seulement nos relations personnelles, mais aussi la société toute entière.

Retrouvez ci-dessous la vidéo de la conférence dans son intégralité



La conférence en format Podcast

https://notebooklm.google.com/notebook/03ba1f5b-9915-4ffb-8274-bddf52cdce2b/audio


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