« Tu sais où tu peux te la mettre ta Rolex ? »
La cinquantaine passée, beaucoup d’hommes se retrouvent face à une véritable tempête existentielle. Le travail, la famille, les enfants, le couple… même avec la fameuse Rolex chère à notre Jacques Seguela national. Autant de rôles qui étaient autrefois des piliers solides se mettent soudainement à vaciller. Depuis la crise du COVID avec son cortège de confinements à répétition, les métiers dits essentiels et les autres, le télé-travail etc…et surtout le constat de la fragilité de notre système pour protéger les plus faibles, le sentiment de décalage avec une société en pleine mutation n’a fait que s’accentuer.
Alors, comment ne pas sombrer dans la caricature du « vieux con » pour qui c’était toujours « mieux avant », « à mon époque » ? Celui qui peste contre les jeunes mais aussi envers les politiques incompétents qui manquent finalement tellement de bon sens, le niveau général qui baisse, bref qui ne comprend plus vraiment les « nouvelles règles du jeu » et se sent constamment en retrait ?
Une époque qui bouscule les certitudes
Pour les hommes nés comme moi (fin des années 60-début 70) dans une société patriarcale, où les rôles étaient souvent clairement définis, les dernières décennies ont été un véritable bouleversement. La montée en puissance des mouvements féministes comme #metoo, l’émergence de nouvelles normes sociétales, la diversification des modèles familiaux ou encore la prépondérance des nouvelles technologies… Tout cela peut donner le vertige.
À cela s’ajoute une érosion du statut traditionnel d’« homme protecteur » qui fait partie pour la plupart de notre éducation, de nos croyances mais aussi d’une réalité historique avec les hommes qui partaient à à la guerre ou qui ramener l’argent du ménage parce que la femme restait à la maison. Désormais, dans de nombreuses familles, les femmes travaillent à temps plein, accèdent à des postes élevés et revendiquent une répartition plus équitable des tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Pour les hommes qui n’ont pas grandi avec ces codes, le risque de ressentir un certain malaise d’une évolution ô combien justifiée, est bien réel tant les changements ont été rapides au regard de leur éducation.
Mes parents nous rappellent régulièrement qu’au début de leur mariage dans les années 60, ma maman n’avait pas de compte bancaire à son nom et ne pouvait pas travailler sans le consentement de notre papa. Un loi a été promulgué le 13 juillet 1965 pour y remédier mais forcément il a fallu du temps pour que cela évolue dans la tête des gens.
Se poser les bonnes questions
Avant de se perdre dans l’amertume ou la nostalgie d’un passé révolu, il est essentiel de se poser quelques questions fondamentales :
- Quel est mon rôle aujourd’hui ?
- Être père ou mari en 2024, cela signifie-t-il encore ce que cela signifiait dans les années 1980 et dans les années 60 ? Probablement pas.
- Mon père est né en 1940 dans un petit village de Lorraine avec 10 frères et soeurs. Ses parents étaient agriculteurs et son enfance n’a pas été des plus roses surtout qu’il est parti à 14 ans pour devenir apprenti-boucher. Plus tard, il s’est retrouvé en Algérie pour ce qu’on appelle désormais la guerre et non plus les évènements.
- Comment comparer l’éducation que mon père a reçu et sa vie à celle que j’ai reçue par mes parents et ma vie de jeune homme ?
- Ces rôles doivent être redéfinis, non pas en fonction de ce que la société attend, mais en fonction de ce que vous voulez apporter. En tous cas, c’est la ligne directrice que je me suis fixée. Je suis parti des valeurs qui m’ont été transmises (quelquefois « à la dure ») avec beaucoup d’amour et de confiance. N’est-ce pas l’essentiel au regard de quelques fessées ? J’ai reproduis le même schéma avec mes deux garçons mais les fessées ont vite cessées tant j’ai été mal à l’aise d’entendre pleurer de « peur et douleur » la chair de ma chair. Je sentais qu’Estelle, sans me le dire formellement, n’approuvait pas cette méthode.
- J’assume mes différents rôles d’homme, de mari, de Papa, d’ami, de fils, de frère etc… fort et fragile à la fois, à l’écoute et de mauvaise foi parfois, finalement être là, présent à sa vie de tous les jours et non pas dans une vie imaginaire pour plaire à son entourage.
- Être père ou mari en 2024, cela signifie-t-il encore ce que cela signifiait dans les années 1980 et dans les années 60 ? Probablement pas.
- Qu’est-ce que je veux transmettre ?
- L’expérience de la vie devrait être considérée comme un trésor. Mais attention : transmettre ne veut pas dire imposer. Dans un monde en évolution constante, l’écoute et l’empathie sont des qualités précieuses. Comment vos enfants ou vos collègues peuvent-ils tirer parti de ce que vous avez appris, sans que vous ne vous posiez en détenteur unique de la vérité ?
- Les blessures de la vie, petites ou grandes, nous aident à emprunter le chemin de l’écoute et de l’empathie. Pour moi, c’est un accident de voiture à 24 ans qui a remis les pendules à 0. Tout a changé suite à cet accident pour lequel j’avais eu un pressentiment. J’avais dit à mes amis que je ne voulais pas sortir ce soir là…
- Je peux dire maintenant que mon ange gardien qui m’a permis de sortir vivant de cet accident (plusieurs tonneaux sans ceinture…) m’a donné l’opportunité de vivre une vie extraordinaire et merveilleuse. Tant d’amour, d’amitié, de rires…ce que devrait être la vie de tout un chacun.
- La lecture m’a énormément apporté suite à cet accident. Les clés d’un début de compréhension de mon but dans la vie : être heureux et partager ma joie de vivre. Rien de naturel contrairement à ce que pensent beaucoup de gens qui croisent quelqu’un qui se marre tout le temps. Un travail de tous les jours pour ne pas se laisser emporter par la peur qui rongent toutes les arcanes de notre société actuelle.
- Alors voilà, si je peux transmettre ma joie de vivre à mon entourage et une certaine bienveillance, ce sera mission accomplie. Et vous ?
- L’expérience de la vie devrait être considérée comme un trésor. Mais attention : transmettre ne veut pas dire imposer. Dans un monde en évolution constante, l’écoute et l’empathie sont des qualités précieuses. Comment vos enfants ou vos collègues peuvent-ils tirer parti de ce que vous avez appris, sans que vous ne vous posiez en détenteur unique de la vérité ?
- Suis-je capable de me remettre en question ?
- L’âge n’est pas un frein à l’apprentissage. Mieux, c’est souvent avec le recul des années qu’on peut comprendre des nuances qui échappaient à nos vingt ans. Et si vous voyiez les mutations de notre époque comme une opportunité d’apprendre encore ?
- Alors qu’à mes 20 ans, je ne pensais qu’à me marrer lors de mes études, depuis je n’ai cessé d’apprendre jusqu’à repasser un bac pro vitivinicole à 51 ans.
- Pour rester connecter aussi avec nos deux grands garçons, le fait d’écrire sur ce blog me permet d’échanger aussi avec eux sur les différents réseaux, l’IA, les cryptos etc…
Accueillir le changement avec humour et humilité
La meilleure manière d’éviter de devenir un « vieux con » est sans doute de faire preuve d’humilité. Ce n’est pas forcément simples surtout lorsqu’on a eu des parcours à responsabilité mais certains codes d’aujourd’hui vous échapperont toujours (et ce n’est pas bien grave, il suffit de le reconnaitre et de l’accepter). Oui, les jeunes peuvent vous trouver à côté de la plaque parfois, tout comme vous trouviez vos propres parents étranges plus jeune. Ou vos grands-parents. Et alors ?
En tous cas, l’auto-dérision est une arme puissante. Apprenez à rire de vos incompréhensions, de vos maladresses, de vos émerveillements devant des choses que la nouvelle génération considère comme banales. Cela vous rendra plus léger, plus accessible, et… beaucoup plus sympa 🙂
Quelques pistes concrètes
- Soyez curieux. Intéressez-vous aux nouveaux courants de pensée pour en discuter autour de vous, aux technologies, à la culture actuelle. Vous n’avez pas besoin de tout aimer, mais vous pouvez essayer de comprendre.
- Youtube est devenu une source d’informations inépuisable. Je ne compte plus les chaînes de qualité auxquelles je suis abonnées. Thinkerview, Nexus, Idriss Aberkane, Eric Larcheveque, Tistrya…
- Cultivez des passions. La cinquantaine est le moment idéal pour explorer des centres d’intérêt oubliés ou en découvrir de nouveaux. Sport, musique, jardinage, photographie… Tout ce qui nourrit l’esprit est un antidote au cynisme.
- Idem sur Youtube avec des chaînes de sport comme RMC Sport ou de boxe, de MMA que j’apprécie particulièrement et que je partage avec mes garçons.
- Le jardin, la permaculture, la vigne : il y a tellement de contenus de qualité qui sont partagés. J’ai passé des heures à regarder des conférences ou des reportages sur ces sujets. Alors, c’est vrai que pendant ce temps, je ne dors pas devant la télé. C’est un choix mais j’en retire vraiment un sentiment de liberté car je choisis ce que je regarde au lieu de zapper quelquefois comme un zombie.
- Vous l’avez compris, vibrez de vos passions et si vous pouvez en vivre, tant mieux mais faîtes le maintenant ou préparez le pour passer à l’action. Sans faire le vieux con 🙂 vous pouvez vous sentir invincible à 30 ou 40 ans mais le temps passe quand même et vous pourriez être moins motivé plus tard et préférer une sorte de « confort malsain » pour vos projets.
- Entourez-vous de différentes générations. Prenez le temps de discuter avec des jeunes, mais aussi des personnes plus âgées. Ces échanges croisés ouvrent des perspectives insoupçonnées. Avec Estelle, on discute beaucoup avec nos enfants et aussi nos parents. Quel grand écart entre ces deux générations. Comment cela a-t-il pu aller si vite ? Je me souviens aussi d’avoir passé un week-end avec ma grand-mère paternelle plus jeune alors que nous habitions dans le sud de la France. J’étais en stage à Paris et je suis allé voir Mamie Cécile qui habitait dans un petit village en Lorraine. Veuve depuis si longtemps, elle veillait sur ses onze enfants par une prière magnifique qui a été retrouvée dans sa table de chevet lorsqu’elle est partie rejoindre son mari Louis parti bien trop vite. Quelle bonté et sagesse émanées de ma grand-mère.
- Prenez soin de vous. Un esprit alerte s’épanouit dans un corps en bonne santé. L’activité physique, l’alimentation équilibrée et des habitudes saines ne sont pas optionnelles. Cela tombe sous le sens mais le mettons-nous vraiment en pratique ?
- Dans les habitudes qui me font du bien moi qui aime croquer la vie à pleine dents : je finis systématiquement mes douches par quelques seconde ou minutes d’eau froide selon la motivation du moment. Les effets bénéfiques sont désormais attestés en ce qui concerne le renforcement du système immunitaire.
- Je pratique le jeun intermittent une fois par semaine avec une purge tous les trimestres.
- Je fais très attention à ne pas regarder de séries violentes, limiter au maximum de scroller sur les réseaux sociaux (j’étais addict à Tik-Tok) et le porno (voir ci-dessous)
- Engagez-vous dans des causes. Devenir un mentor ou s’impliquer dans une association permet de donner un sens différent à votre expérience. Vous pouvez ainsi transmettre vos compétences tout en évoluant dans des environnements stimulants.
- Mais surtout pas de pression inutile. Faites le comme bon vous semble et surtout si ça vous fait du bien et pas seulement aux autres. Vous allez vite sentir si cela vous pompe une énergie folle. Bref, apprenez à dire non et n’ayez pas honte d’être un peu égoïste.
Le poids des injonctions sociales
Le poids des injonctions sociales qui pèsent sur les hommes de plus de 50 ans peut être insupportable. À cet âge, la société attend parfois une certaine stabilité ou conformité : un métier bien installé, une famille épanouie, une maison payée, et des projets bien rangés. Or, la réalité est souvent bien différente.
Les divorces, les reconversions professionnelles et les changements de vie sont de plus en plus courants. Et pourtant, ces transitions peuvent être perçues comme des échecs par une société qui valorise la continuité. Plutôt que de se laisser enfermer par ces normes, il est préférable de les remettre en question. Car c’est aussi à travers ces remises en cause que l’on peut se réinventer.
Si je prends mon exemple d’ancien chef d’entreprise qui veut devenir jardinier vigneron. Cela doit en faire sourire plus d’un…et vous savez quoi, je m’en fous 🙂
L’importance d’un cercle social diversifié
On dit souvent qu’à partir d’un certain âge, les amitiés se raréfient. Pourtant, entretenir ou recréer un cercle social diversifié peut être une « vraie bouée de sauvetage ». Fréquenter des personnes d’horizons variés – jeunes et moins jeunes, hommes et femmes – permet d’éviter de s’enfermer dans une vision unique du monde.
Ces relations peuvent être nourries par des activités communes : rejoindre un club de dégustation de vin, un groupe sportif ou participer à des ateliers artistiques. Ces moments partagés sont autant d’occasions d’élargir ses perspectives et de découvrir de nouvelles façons d’aborder la vie. Cela peut se traduire en challenge sportif, en week-end découverte d’une région etc…Lorsque nous vivions en Nouvelle-Calédonie, nous nous étions inscrits à un club de natation. Outre la remise en forme, nous nous étions fait un petit groupe d’amis avec qui nous avons fait les 400 coups : Triathlon olympique pour mes 40 ans, Marathon de New-York pour les 50 ans d’un pote et sans oublier des belles soirées arrosées 🙂
Redéfinir la notion de réussite
Enfin, pour éviter de sombrer dans l’amertume ou le sentiment d’échec, il est essentiel de repenser ce que signifie « réussir sa vie ». Pendant des années, la réussite a souvent été associée à des critères matériels : un bon emploi, une maison, une famille. Mais à l’aube de la cinquantaine, ces indicateurs peuvent perdre de leur éclat…surtout lorsqu’on s’est payé la Rolex et que rien ne se passe…
La réussite peut désormais se redéfinir autour de nouvelles aspirations : trouver un équilibre intérieur, nouer des relations enrichissantes, contribuer à des causes qui vous tiennent à cœur, ou simplement savourer les petits plaisirs du quotidien. En d’autres termes, il ne s’agit plus de « conquérir le monde », mais de vivre pleinement et en accord avec ses valeurs. Pas toujours facile dans notre société toujours dopée à la consommation non stop. Je n’en peux plus des pubs débiles à la télé ou à la radio : Parfum, bagnole, parfum, bagnole…Tout ça pour nous vendre des produits à 90% fabriqués en Chine. Si encore, on prônait le travail des artisans locaux. J’ai importé des marchandises de Chine. Je suis allé dans les usines. J’ai vu les filets anti-suicides. On marche sur la tête !
L’art de se réinventer
Se réinventer à 50 ans, c’est aussi accepter que certaines portes se ferment… pour mieux en ouvrir de nouvelles. Peut-être que vos ambitions professionnelles ne sont plus les mêmes ; peut-être qu’il est temps de consacrer plus d’énergie à des passions personnelles, à des projets créatifs, ou même à des rêves que vous aviez mis de côté.
La peur du changement est normale, mais elle ne doit pas devenir un obstacle. Chaque étape de la vie est une opportunité de repartir sur des bases neuves, de redéfinir ses priorités et, surtout, de se reconnecter à soi-même.
Avec Estelle. cela fait des années qu’on rêve de créer notre « auberge de vieillesse » avec des terres agricoles autour pour réaliser notre « Little Big Farm » à nous avec de l’accueil. Nous pensions pouvoir le faire en Corse mais l’accès au foncier est difficile. Nous allons plutôt rechercher sur le pourtour méditerranéen. L’idéal serait de pouvoir vivre au milieu de nos terres et créer un agritourisme à l’italienne comme en Toscane.
Une conclusion en forme d’invitation
Ne pas devenir un « vieux con », c’est avant tout une question d’état d’esprit. C’est être prêt à écouter, à apprendre, à s’émerveiller d’un arbre, d’un arc en ciel, d’un sourire dans la rue, même lorsque le monde semble filer à toute allure. C’est faire preuve de bienveillance envers soi-même et envers les autres si c’est possible pour votre équilibre, tout en cultivant une certaine dose de recul – et surtout beaucoup d’humour.
Alors, si vous vous sentez parfois dépassé par les événements ou en décalage avec la société d’aujourd’hui, dites-vous que vous n’êtes pas seul. Et surtout, rappelez-vous qu’il n’est jamais trop tard pour évoluer, pour se connecter aux autres, et pour trouver un nouveau sens à sa vie…ou pas. Pas d’injonction. Soyez libre d’envoyer tout balader ou de ne rien faire à partir du moment où cela ne nuit à personne. Comme le dit Jean-Pierre Garnier Mallet « Pensez à faire à autrui ce que vous aimeriez qu’il pense à vous faire »
Alors, la cinquantaine ne ressemble pas du tout à une fin, plutôt à début. Et si ce début était l’occasion rêvée de devenir la meilleure version de vous-même ?