Bienvenue dans mon voyage à travers une tradition millénaire, réinterprétée dans le cadre de la création en cours de mon micro-vignoble en agroécologie. Mon intérêt pour la vinification en amphore n’est pas né d’un caprice, mais d’une quête profonde pour me connecter à l’essence même de la vinification (bien bien avant la crise du phylloxera qui a ravagé les vignobles à la fin du 19è siècle et l’arrivée massive de la mécanisation et de la chimie au sortir de la seconde guerre mondiale), là où la simplicité rencontre l’extraordinaire. Comment les grecs fabriquaient-ils leur vin quelques milliers d’années avant JC…

Retour aux racines

Ma passion pour le vin, cette alchimie entre la terre, le ciel, et la main de l’ Homme, m’a poussé à explorer au-delà des méthodes conventionnelles. L’amphore, avec son histoire riche et son lien intrinsèque avec les anciennes civilisations viticoles, m’a offert une porte d’entrée vers cette exploration. La décision de vinifier en amphore dans mon micro-vignoble est née d’une volonté de retourner aux racines de la vinification, de redécouvrir les techniques ancestrales qui capturaient l’essence du terroir sans l’intervention de technologies modernes.

Il faut dire que les jardiniers maraîchers du 19è siècle à Paris qui nourrissaient la population de la capitale grâce à des méthodes naturelles m’ont fortement influencé. Surtout que les méthodes modernes qui sont rentables sur des petites surfaces (moins d’un hectare) s’en inspirent fortement. Vous trouverez un article à ce propos ici https://etre-libre.com/les-jardiniers-maraichers-parisiens-au-19e-siecle-une-histoire-de-savoir-faire/. Hier, le 7 mars 2024, Jean-Martin Fortier et sa méthode de micro-ferme bio intensive est passé sur France 2 a « Envoyé Spécial ». On va y arriver ! 🙂

Un engagement écologique

Par ailleurs, dans un monde où l’urgence écologique devient de plus en plus pressante, j’ai été attiré par l’aspect durable et respectueux de l’environnement de la vinification en amphore. Cette méthode limite l’usage de produits chimiques, réduit la nécessité d’infrastructures lourdes et favorise une approche plus naturelle de la vinification. Mon micro-vignoble, engagé dans une démarche de production respectueuse de l’environnement, me semble être le terrain de jeu idéal pour expérimenter cette tradition rénovée.

La quête de l’authenticité

Au cœur de ce projet, il y a la quête d’authenticité. Vinifier en amphore promet de révéler des profils de goût uniques, où le vin est l’expression la plus sincère du raisin et de son environnement. J’adore cette phrase à propos du vigneron « Mettre un lieu dans un verre ». La chimie a permis de faire du vin n’importe où. Je crois qu’on arrive au bout de ce système. Il faut revenir au vin de terroir. Comme le disent régulièrement les époux Bourguignon, la France est un pays de terroir. On dit bien « les fraises de plougastel, les framboises de Tursan, les mirabelles de Lorraine, les choux de Bruxelles ! 🙂  »

Je suis curieux de voir comment cette méthode peut influencer le caractère de mes vins (en même temps, je vais faire ma première cuvée comme ça. Je vais devoir comparer avec des vins que j’apprécie énormément dans le coin) en leur conférant des qualités organoleptiques distinctes, et en offrant je l’espère à ceux qui les dégustent une expérience inédite.

Partager l’aventure

L’objectif de ce blog ainsi que les réseaux sociaux (le Jardinier Vigneron sur Instagram) est de documenter chaque étape de cette aventure : de la sélection des amphores à la fermentation, de la découverte de saveurs inattendues aux défis rencontrés. Mon but est de partager non seulement les réussites mais aussi les leçons apprises, dans l’espoir d’inspirer et d’informer d’autres passionnés de vin et vignerons amateurs qui, comme moi, aspirent à explorer la vinification la plus naturelle possible.

Alors, rejoignez-moi dans cette exploration de la vinification en amphore, un voyage où tradition et modernité se rencontrent pour créer quelque chose de véritablement unique dans mon micro-vignoble. Let’s go ! 🙂

Partie 1 : Pourquoi l’Amphore ?

Avantages de la vinification en amphore

Influence positive sur le profil aromatique

L’amphore, grâce à sa composition en terre cuite et sa forme, permet une micro-oxygénation naturelle qui influence positivement le profil aromatique et la structure du vin. Cette oxygénation contrôlée aide à adoucir les tanins (ce qui m’arrange avec le cépage rouge Nielluccio), donnant au vin une texture plus soyeuse et une meilleure intégration des composants. De plus, l’absence de saveur propre à l’amphore, contrairement aux fûts de chêne, met en avant les arômes et saveurs naturels du raisin, permettant une expression plus fidèle du terroir.

Impact environnemental réduit

La vinification en amphore s’inscrit dans une démarche écoresponsable et durable. Les amphores sont fabriquées à partir de matériaux naturels et souvent locaux, réduisant ainsi l’empreinte carbone liée à leur production et transport. De plus, leur longévité et possibilité de réutilisation en font une option écologiquement viable. Cette méthode favorise également des pratiques de vinification moins interventionnistes, limitant l’usage de produits chimiques et encourageant la biodiversité.

Conservation de l’énergie et réduction des coûts

Vinifier en amphore peut contribuer à une réduction significative de l’utilisation de l’énergie, notamment par l’absence de nécessité de contrôle technologique de la température. La gestion naturelle de la fermentation et de l’élevage du vin en amphore diminue les besoins en refroidissement ou chauffage artificiel, permettant ainsi une diminution des coûts énergétiques pour le vigneron. Cela tombe bien également car je n’ai pas de chai/cave de vinification pour le moment.

Valorisation du patrimoine

L’utilisation de l’amphore pour la vinification est également un moyen de valoriser le patrimoine viticole et de se reconnecter avec des méthodes de fabrication authentiques. Cela offre une histoire et une profondeur culturelle au vin produit, éléments de plus en plus recherchés par les consommateurs à la recherche de produits uniques et dotés d’une identité forte.

Nous avons la chance d’avoir un potier au village https://www.atelierjtruchon.com/ qui a déjà réalisé des jarres d’élevage. Je pourrais le solliciter pour des amphores de vinification.

Diversification des profils de vin

La vinification en amphore ouvre la porte à la création de profils de vin diversifiés et innovants. C’est le cas par exemple des vins georgiens et leur fameuse vinification en Qvevri. On en reparle juste après.

En expérimentant avec différentes formes, tailles, et types de terre, les vignerons peuvent explorer de nouvelles expressions aromatiques et texturales, enrichissant ainsi l’offre disponible sur le marché avec des vins aux caractéristiques distinctives.

Renforcement du lien avec la nature

Enfin, la vinification en amphore renforce le lien entre le vin, le vigneron, et la nature. Cette méthode encourage une approche plus intuitive et respectueuse du cycle naturel de la vigne et du raisin, favorisant une relation harmonieuse entre l’homme et son environnement. Cela me convient parfaitement surtout après de longues années derrière un bureau ! 🙂

En résumé, de mon point de vue, la vinification en amphore présente une combinaison avantageuse d’impacts positifs sur la qualité du vin, l’environnement, et la société. Elle incarne une vision du vin qui respecte la terre, valorise l’authenticité, et enrichit la diversité culturelle et gustative du monde viticole. Tout ce qui me motive à créer un délicieux breuvage 🙂

Partie 2 : Préparation et Planification

C’est bien de prendre la décision de vinifier en amphore enterrée tout ou partie dans le jardin de la manière la plus traditionnelle possible. Le tout en m’inspirant des grecs bien avant Pasteur et la découverte des bactéries à l’origine de la fermentation. Mais maintenant, comment je m’y prends ?

2.1 Recherche documentaire

Mon parcours professionnel en Nouvelle-Calédonie dans la conception et la réalisation de projets immobiliers de A à Z m’a apporté une certaine rigueur. Et en l’occurence, un côté scolaire qui me sert dans la recherche du maximum d’informations sur cette pratique de vinification et d’élevage en amphore avant de me lancer.

Comment les Grecs fabriquaient-ils leur vin
  • J’ai également trouvé une excellente émission sur France Culture avec des intervenants de qualité et de la bibliographie. Ce qui n’est pas évident sur ce sujet. Je me suis permis d’appeler mon article comme le titre du podcast « Comment les grecs fabriquaient-ils leur vin ? » . Vous trouverez le lien de l’émission ci-dessous.
  • Sinon, juste avant, un résumé de la manière dont les grecs réalisaient leur vin :
    • Comment élaborait-on le vin dans l’Antiquité grecque ?
      • Louis Pasteur a révélé en 1857 que la fermentation alcoolique était le fait de levures transformant le sucre en alcool, un concept alors inconnu. Malgré cette ignorance, les Anciens, notamment les Grecs, avaient développé des méthodes empiriques pour maîtriser la fermentation du jus de raisin en vin. Selon les écrits historiques, ils attendaient que les raisins soient parfaitement mûrs avant de commencer la récolte, effectuaient un tri quotidien pour éliminer les fruits abîmés ou infectés par des insectes, et utilisaient la technique de « passerillage« , laissant les raisins sécher au soleil et au vent pendant deux à trois semaines pour concentrer leur sucre. Une pratique bien connue en Haute-Corse notamment avec l’excellent cépage Muscat Petit grains.
      • Après écrasement des grappes, le début de macération permettait d’extraire les arômes. Le jus était ensuite mis en jarres (pitoilles) partiellement enterrées pour fermenter, sans moyen de contrôler les bactéries, moisissures, ou levures dû à l’absence de connaissances sur le dioxyde de soufre.
      • Pour réguler la fermentation, ils ajoutaient du sulfate de chaux pour augmenter l’acidité et du gypse pour réduire le pH, limitant ainsi la croissance bactérienne. Des couronnes de plantes aromatiques, telles que la menthe, l’origan ou le calament, riches en phénols aux propriétés antibactériennes et antifongiques, étaient posées sur les jarres avant leur fermeture, ralentissant la fermentation.
      • La fermentation alcoolique bien entamée, un voile de levure pouvait apparaître en hiver, nécessitant une surveillance pour éviter la détérioration du vin. La tradition voulait qu’en mars, lors des Antesteria en honneur de Dionysos, les jarres soient ouvertes.
      • Ainsi, même sans connaître l’usage du dioxyde de soufre, les Grecs avaient établi une vinification efficace pour préserver le vin de l’oxydation.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-histoire/comment-les-grecs-fabriquaient-ils-leurs-vins-7533215?utm_source=brevo&utm_campaign=03-wineletter-mars-24&utm_medium=email

  • Enfin, j’ai pu échanger avec certains vignerons qui utilisent cette technique d’amphores enterrées comme Eduard Pie – Domaine SICUS https://sicus.cat/en/home/ que j’ai découvert dans le livre « Mille Vignes » de Pascaline Lepeltier.
  • J’ai trouvé une vidéo sur Youtube sur le château Gaillard également. Le lien du site web et de la vinification en amphore. https://www.chateaugaillard-bio.com/la-vinification/
  • Enfin, dans le groupe What’s app des diplomés du Bac Pro vitivinicole via le CNEAC, j’ai appris qu’un de mes collègues avait fait un stage chez https://www.justinevigne.com/fr/ qui utilise plusieurs types d’amphores et Kvevri pour vinifier ses vins.

2.2 Choix de l’amphore

Critères de sélection : matériel, taille, provenance

Je me dirigeais assez naturellement vers les jarres en terre cuite georgiennes, les Kvevri qui sont enterrées. Après avoir vu une émission de télé style « Echappées Belles » en Georgie avec le process de vinification traditionnel, je me suis dit « c’est comme ça que je veux faire mon vin ». Par contre, lorsque j’ai vu la petite ouverture et la façon dont il fallait nettoyer les kvevris. C’est plus que sportif et vu mon gabarit ! 🙂

En plus, la personne du site Bagratrip m’a indiqué que c’était apparement difficile d’avoir des kvevris traditionnels et que souvent même les georgiens en importaient.

De toutes façons, du fait des petits volumes que je vais réaliser au démarrage (on parle d’une centaine de litres exclusivement issues du cépage rouge Nielluccio), j’ai recherché des jarres de petite taille pour des petites cuvées. A terme, je vinifierai du rouge et du blanc. Je voudrais aussi tester plusieurs type d’élevage.

Hormis le fait d’enterrer les raisins qui vont devenir du vin juste à côté de l’endroit où ils ont poussé, je dois prendre en compte aussi la logistique ne serait-ce qu’à la livraison dans notre jardin avec des accès compliqués. Nous avons testé avec la livraison de notre olivier centenaire. Bobcat, 3 personnes etc… Par exemple, la plus petite jarre chez Vin et Terre de 80 L pèse 80 kg. Il faut penser à la manipulation seul (à la main) ou à deux (avec ma chérie) avant d’enterrer la jarre. Puis les interventions pendant la vinification, soutirage, nettoyage etc…

La provenance française ou italienne (vu la proximité avec la Corse) me convient bien aussi. Tout dépend des prix, de la qualité et du contact avec les fournisseurs. Vin et Terre à Gradignan (à côté de Bordeaux) https://www.vinetterre.com/ a commencé il y a un peu plus de 10 ans maintenant et Artenova en Italie (qui vient de sortir la bouteille en terre cuite) https://giare.terracotta-artenova.com/ existe depuis plus de 30 ans.

J’ai fait des demandes de disponibilités et devis aux 2 fournisseurs avec des livraisons en Corse. Chez Artenova, il y a une amphore en forme d’oeuf qui, à priori, amplifie le mouvement continue des lies.

Processus de décision et acquisition de l’amphore.

Vous l’avez compris, hormis les avantages et la qualité des amphores : terre cuite naturelle de Toscane ou grès naturel de Chine pour Vin et Terre et terre cuite Impruneta pour Artenov, le processus de décision découle des volumes que je vais réaliser au début. Je souhaite apprendre avec des petites quantités. De cette manière les erreurs coutent moins chères.

J’ai posé la question au fournisseur Artenova sur les différences de micro-oxygénation entre les Kvevris et ses amphores. Du fait que je souhaite enterrer l’amphore, de son point de vue, pas de grande différence entre les deux produits.

Quoiqu’il en soit, après la réception des devis, ce sera plus simple pour se décider. Il faut peut-être aussi qu’on goûte des vins géorgiens et des vins issus d’amphore ou jarre enterrées 🙂 Sébastien de Bagatrip m’a parlé de Giorgi Solomnishvili qui serait le meilleur domaine de Georgie…sur 2 000 m2 en haute-densité ! Un micro-vignoble, c’est un signe 🙂 https://bagratrip.com/vin-georgie/solomnishvili-giorgi/

Et sinon, je me suis rapproché d’Eduard Pie du domaine SIcus pour lui demander quelle était sa cuvée emblématique en amphore enterrée.

La suite au prochain épisode, la semaine prochaine !

Si vous avez aimé cet article, sentez vous libre de partager :-)