Tout est possible!

A 51 ans passés et 33 ans après un bac général (B devenu ES pour bac économique et social), je suis fier d’être titulaire d’un bac pro viti-vinicole avec 15,20 de moyenne 🙂 Il faut dire que de l’inscription à l’obtention, cela a été quelque peu chaotique.

Je vous raconte tout ça. Et maintenant, au boulot pour devenir paysan-vigneron en Corse !

Ce qui est vraiment sympa c’est que je l’ai eu la même année que le BTS audiovisuel d’Hugo et le bac scientifique de Tom (avec mention Bien). Vu que ça fait des années que je les chambre sur le niveau du bac qui baisse de plus en plus, j’avais la pression.

En Italie, en juillet dernier, on a dignement fêté nos résultats autour de quelques bouteilles de Prosecco Bio dans un cadre magnifique https://www.bioagriturismoilcerreto.it/en/home.html qui représente bien le concept d’agritourisme ou tourisme rural en Toscane et Ombrie. Plus de 4 000 fermes ont été rénovées depuis une trentaine d’années. Quelle réussite ! Cela nous donne des idées pour notre projet en Corse…

Reprendre les études à 50 ans

J’avoue que c’est sportif de repasser un bac à 50 ans par correspondance…surtout lorsqu’on prend ça à la légère ! Je me suis dit que ce n’était « qu’un bac pro » et finalement en avais-je absolument besoin pour devenir vigneron. Oui, je sais, on se rassure comme on peut ! 🙂

C’est vrai que les bancs d’école n’ont jamais vraiment été un kiffe pour moi ou plutôt pour les profs car je ne pensais qu’à faire marrer les copains et il faut dire que l’autorité ne me réussit pas vraiment (souvenirs, souvenirs de mes 10 mois d’armée…) C’est une des raisons pour lesquelles je suis très heureux (et jaloux :-)) pour Hugo qu’il intègre le cours Florent Musique à la rentrée.


Un nouveau changement de vie ?

En plus, l’idée de passer ce bac pro était d’officialiser un nouveau changement de vie tourné vers la nature plutôt qu’une volonté absolue de m’installer en tant que vigneron dès que possible. En tous cas, dans un modèle qui pour nous ne correspond plus à la réalité du changement climatique et de l’état de nos sols alors que ce sont eux qui nous nourrissent.

Alors que j’écris ces lignes, nous sommes à nouveau dans un été de tous les records pour les incendies, la sécheresse (3 périodes de canicule à Biarritz : du jamais vu !) et le manque d’eau. Plus de 100 communes ne peuvent plus fournir d’eau potable à leur population…Il serait temps qu’on arrête de se doucher à l’eau potable et de nous soulager dedans ! Quel symbole pour le bien le plus précieux sur Terre. Dans le futur, les livres d’histoire n’en reviendront pas lorsqu’ils décriront une telle décadence de notre civilisation.

Alors que les solutions existent. En Australie, par exemple, dans le New South Wells, cela fait des années qu’il est obligatoire pour toute nouvelle construction de récupérer les eaux de pluie pour les stocker. Qu’attendons-nous en Europe ? Nos anciens paysans savaient qu’il fallait stocker l’eau et prévoyaient des cuves. Maintenant, on préfère faire des bassines qui pompent directement dans la nappe phréatique afin de contourner les arrêtés préfectoraux restrictifs…et les golfs ont des dérogations pour continuer d’arroser !


Sortir de sa zone de confort

Mais revenons à nos moutons…Heureusement pour moi, le niveau du bac pro viti-vinicole est « plutôt faible ». En tous cas, au regard du travail fourni et les notes obtenues notamment à l’écrit (13 alors que je pensais vraiment avoir loupé et que je méritais plutôt 7 ou 8) et surtout à l’oral (15 et 17) avec des coefficients privilégiant justement plutôt l’oral. C’est vrai que j’étais resté sur des niveaux de notation (sans faire le « vieux con ») de l’époque de mes études dans les années 90. Si cela avait été le cas, je pense que je l’aurais eu mais plus difficilement.

Surtout que j’ai voulu arrêter après le premier rassemblement en février 2022 (j’avais loupé le premier en novembre 2021 suite à une erreur de courrier) car j’ai réalisé, entouré d’autres étudiants, pour la plupart issus du milieu viticole avec un projet de reprise suite à l’obtention du bac et l’accès aux aides pour les Jeunes Agriculteurs (moins de 40 ans), qu’il fallait que je bosse un minimum si je voulais avoir ce « fichu bac » et la capacité agricole (c’est quand même mieux pour s’installer…)

A ma grande surprise, j’ai réalisé aussi que ma résistance au stress durant les examens par exemple n’était plus la même que lorsque j’avais 25 ans. J’ai toujours été très à l’aise à l’oral. Peut-être même un peu trop :-). Par contre, quand je me suis retrouvé à l’épreuve écrite, je me suis rendu compte que je n’étais plus habitué à gérer une épreuve dans un temps donné et surtout que je ne savais plus écrire à la main ! 30 ans de mails, de présentations power-point ont été fatales pour mon écriture manuelle. Vive le Tipex !

Idem pour les deux épreuves à l’oral qui ont vraiment été une épreuve (c’est le cas de le dire) pour moi. Je vous laisse constater de vous même mon niveau de stress juste avant 🙂


Les études par correspondance

En tous cas, le Centre National d’Enseignement Agricole par Correspondance (le CNEAC à Argenton sur Creuse) http://www.cneac.fr m’aura permis de rencontrer de belles personnes. Que ce soit la promo d’étudiants lors des rassemblements et via le groupe What’s App, les équipes pédagogiques, le secrétariat (qui m’a motivé lorsque je voulais arrêter), les personnes sur place pour les aspects logistiques (logement et repas).

Pour celles et ceux qui veulent se lancer dans l’aventure via le CNEAC par exemple, surtout, surtout, il faut aller aux rassemblements (3 semaines réparties dans l’année scolaire). Les intervenants (profs) sont pro et à l’écoute. Un bémol qui devrait être rectifié : la mauvaise qualité des cours envoyés par courrier. Beaucoup de photocopies en noir et blanc. Heureusement, Internet est là. Egalement, pas de forum étudiant en ligne et donc pas vraiment d’échanges si vous n’allez pas aux rassemblements.

Enfin, ce qui est un peu dommage est de ne pas voir dans les cours théoriques de vraies et réelles prises en compte des changements climatiques. Même si les vignobles en Bio ne représentent encore que 10% du total en France (22% en Corse), il y a vraiment une prise de conscience et il faut arrêter de nous parler de glyphosate dans les cours théoriques ! Cela a eu le mérite de déclencher chez moi des réactions épidermiques et chercher toutes les ressources possibles pour surtout ne pas utiliser ces produits chimiques.


Les stages en immersion

J’ai surtout énormément appris lors de mes trois stages. Ce qui me plaisait et surtout ce qu’il ne me plaisait pas 🙂

Le Domaine Gayda (à Brugairolles à côté de Limoux et Carcassonne)

En septembre 2021, je suis arrivé au Domaine Gayda (en Bio depuis 2011) http://www.domaine.gayda.com en plein coup de feu des vendanges. Nous avons trié plusieurs tonnes de raisin le premier jour et les semaines suivantes. J’ai eu mal partout pendant plusieurs jours 🙂 Surtout, je n’y connaissais strictement rien à rien car je démarrais à peine les cours théoriques du bac pro. Tout était nouveau et ne serait-ce que le vocabulaire dans des situations souvent urgentes me laisseront quelques bonnes anecdotes savoureuses à raconter.

Heureusement, en plus d’une équipe dévouée sur le domaine, j’ai pu partagé avec un super maitre de stage passionné, Vincent Chansault. Malgré le côté quasi industriel du domaine et sa production d’un million de bouteilles et un objectif de 2 millions à l’horizon 2025, Vincent a une vision extrêmement qualitative de son métier et des vins qu’il produit. Chapeau bas !

Il m’a offert une super BD « Les ignorants » avec à la fin les deux personnages principaux qui vont en Corse et rencontrent les Arena (Antoine et leurs enfants) qui sont les vignerons emblématiques de la renaissance du vignoble Corse notamment à Patrimonio à côté de St Florent et Bastia. Je les ai croisés lors de mon stage en Corse.


Le domaine Obrière (à Boujan sur Libron) http://www.domaine-obriere.fr

Du côté de Béziers, un couple de trentenaires Charles et Sarah McKay produisent de manière artisanale (environ 15 000 bouteilles) un excellent vin vivant, nature avec un état d’esprit au top. En Février 2002, Charles m’a gentiment initié à la taille douce de ses vignes pendant une quinzaine de jours.

On en a profité pour beaucoup discuter, échanger et refaire le monde autour de livres comme celui d’ Alain Malard « Vignes, Vins et permaculture », « Le manuel des pratiques viticoles contre les maladies du bois » du Sicavac avec François DAL, « Le vin, la vigne et la Biodynamie » de Nicolas Joly ou encore les nombreuses vidéos de Marceau Bourdarias ou de Verre de Terre production sur YouTube.

Charles et Sarah ont tout pour réussir leur pari de vivre de leur passion. Je leur souhaite bon vent. Je les suivrai de tout manière, tout comme le Domaine Gayda ou Massamier la Mignarde http://www.massamier-la-mignarde.com avec Frantz Venès qui mène une vraie révolution verte dans son domaine, j’ai quelques parts de leur vignoble grâce à un financement participatif organisé par la société Terra Hominis http://www.terrahominis.com et son emblématique fondateur, Ludovic Aventin. Les dividendes sont en bouteilles, quelle riche idée !


Clos U Suale à Patrimonio en Haute-Corse

Enfin, la magnifique rencontre en Corse avec Jean-Baptise et Patricia Ferrandi et leur domaine Clos U Suale.

Ils m’ont accueilli chez eux pour mon stage en mars dernier. J’ai pu être présent lors de la commercialisation de leur première cuvée Inseme (qui signifie « ensemble » en Corse) de 800 bouteilles. Beaucoup d’émotions.


En août 2021, alors que nous étions en vacances repérage en Corse après un échange sur Instagram clos_u_suale avec Jean-Baptiste, il me propose de le rencontrer sur son vignoble qu’il venait de planter en haute densité après une reconversion également de son côté (ancien infirmier au bloc).

Nous le retrouvons en famille et lors de nos échanges au pied de son magnifique vignoble en terrasse (le premier de Patrimonio), Jean-Baptiste, nous explique sa démarche et parle à un moment du Documentaire « Tout est Possible: The little big farm » qui retrace l’aventure d’un couple d’américains qui quitte leur vie urbaine pour acheter des terres (80 hectares) dont personne ne veut et en font, après de grosses galères, au bout de 10 ans, un véritable paradis sur terre et financièrement viable.

S’il nous fallait un déclencheur de plus après tous les documentaires qui nous ont marqué avec Estelle comme « Le sel de la terre », « Mondovino », « Demain » (et j’en oublie tellement) pour nous décider à réaliser un ultime rêve de vignoble en Corse, c’était celui là car il a une vision plus globale, plus holistique et c’est ce vers quoi nous voulons aller !
Encore merci à ces 3 domaines de m’avoir accueilli et partagé leur passion du bon. Sans oublier, le coup de main afin que je puisse rendre et soutenir un rapport de stage de qualité.


Objectif atteint !

Voir et comprendre une partie de l’envers du décor et ne pas rester sur une (fausse) image idyllique. Je sais maintenant quel type de vin je veux faire (le meilleur bien sûr 🙂 Surtout le vin à boire entre copains sans se prendre la tête, le plus sain possible et respectueux du sol (vivant) et de celles et ceux qui le boiront (0 pesticides et tendre vers le 0 sulfite)

Les réactions de notre entourage sont mitigées lorsqu’on parle de notre installation en Corse. La réputation de la Corse la précède. Nous avons connu ça lors de notre installation en Nouvelle-Calédonie alors que l’île sortait d’une période difficile suite aux évènements de la grotte d’Ouvea.

Lorsque nous posons le pied en Corse, nous avons le même ressenti que lorsque nous posons le pied à la Réunion ou en Nouvelle-Calédonie. C’est plutôt difficile d’expliquer à des gens qui n’ont pas vécu dans les îles, ce que c’est de vivre dans les îles justement. Estelle a vécu à la Réunion dès l’âge de 10 ans jusqu’à ses études supérieures et nous avons ensuite vécu 15 ans en Nouvelle-Calédonie : ça laisse forcément des traces 🙂 Peut-être sommes-nous repartis pour minimum 20 ans en Corse avant de naviguer à travers le monde et revoir nos potes dans le Pacifique ?

Notre projet : Une micro-ferme en agroécologie ou en permaculture (pour le moment, je ne vois pas bien la différence entre les deux) bio intensive (produire abondamment sur une petite surface) éco-responsable (tendre vers le 0 carbone) autosuffisante et un micro vignoble bien sûr ! Ben quoi, il faut être ambitieux dans la vie, non ? 🙂

Accueillir, loger, nos hôtes (vacanciers et/ou colivers) dans une structure la plus respectueuse possible de l’environnement tant par les matériaux utilisés (sains et naturels) que les ressources en énergie non fossile : maraîchage bio diversifié travaillé exclusivement à la main avec aussi de l’arboriculture (forêt nourricière), des petits fruits, du petit élevage (poules), des plantes aromatiques etc…

Nous nous inspirons de la ferme bec helloin en Normandie qui malgré des critiques https://youtu.be/LZVkPsfYKew sur leur rendement a ouvert la voie à la permaculture en France.


D’autres précurseurs comme Jean-Martin Fortier et son best seller « Le jardinier maraîcher » sont très présents sur les réseaux sociaux et multiplient les conférences et masterclass sur l’absolue nécessité de développer une agriculture la plus indépendante possible des énergies fossiles. L’actualité internationale et les pénuries à venir de gaz ne peuvent que confirmer cet objectif.

Les jardins d’Appietto dans le Sud de la Corse expérimentent la permaculture https://www.youtube.com/watch?v=b7nV4URjwDk sur un hectare. Nous sommes en contact avec le prestataire qui est intervenu et qui a designé le projet.


Lors de mon RDV en mars dernier avec la SAFER de Haute-Corse, j’ai bien compris la difficulté de se procurer du foncier agricole notamment car la priorité est donnée aux Jeunes Agriculteurs (JA)


C’est la raison pour laquelle nous cherchons des biens plutôt mixtes avec déjà du bâti à réhabiliter par exemple qui nous permettraient de développer un accueil à la ferme via des visites, des initiations et du logement par exemple.

Sinon, l’idée est de réaliser des micro-cuvées via du micro négoce : achat de raisins ou de moût. Je n’ai pas l’impression que cela se pratique beaucoup en Corse mais si je veux faire quelques millésimes en attendant de pouvoir acheter ou louer des terres, il faut bien démarrer par quelque chose.

Quelques vignerons en Languedoc-Roussillon se sont mis au négoce pour sauver leur récolte plutôt qu’une stratégie établie comme le Domaine Gayda ou le Domaine Bertrand (et ses 15 millions de bouteilles). Notre idée serait de le faire en Corse pour finalement proposer du vin vivant sans forcément avoir les vignes…dans un premier temps.

Nous avons identifié trois biens qui se prêteraient à notre projet avec les difficultés liées aux terrains classés agricoles (préemption et construction impossible).

Un avec du bâti à complètement réhabiliter tout en conservant l’aspect patrimoine (ancien moulin) pour le transformer en chambre d’hôtes sur une partie et cave de vinification au RDC car nous planterions de la vigne sur une partie du foncier.

L’autre avec du bâti existant mais la nécessité de construire une cave de vinification car nous planterions également de vigne sur le foncier. Enfin, le dernier serait plutôt en 2 temps car c’est une bâtisse du 19 ième siècle dans un village avec un jardin et des caves au RDC dans lesquelles on pourrait imaginer un atelier, des cuves pour des micro assemblages…A suivre !

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