Le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en 2023, offre un panorama détaillé des impacts du changement climatique sur les écosystèmes, les sols et la biodiversité.
En tant que consommateurs, sommes-nous co-responsables de cette situation. Comment pouvons-nous influencer le marché afin que les industriels, les producteurs, les agriculteurs améliorent leurs pratiques ? Encore faut-il qu’au moment de notre acte d’achat, nous ayons les informateurs nécessaires, accessibles, lisibles, compréhensibles pour faire le choix ou non d’opter pour des produits qui respectent notre santé et celle de la planète.
Après un bref rappel non exhaustif des points clés de ce rapport du GIEC, nous allons mesurer l’impact de la viticulture sur les sols, la biodiversité, la pollution en France. Enfin, tout comme les applications ou le Nutri-Score qui existent pour faciliter la compréhension des informations nutritionnelles, les labels type AB, Demeter etc…pour mieux comprendre le mode de production, existe-t-il des moyens similaires aider les consommateurs dans leur choix d’achat de vin ? Si c’est le cas, ces labels répondent-ils suffisamment à l’urgence de faire évoluer nos pratiques de consommation et de production face au dérèglement climatique ?
État des sols
Le rapport du GIEC souligne que les sols du monde entier subissent une dégradation rapide due à une combinaison de pratiques agricoles intensives, de déforestation et de changements climatiques. Plus d’un siècle de combustion de combustibles fossiles et d’utilisation non durable des terres a contribué à un réchauffement de 1,1 °C par rapport à la période préindustrielle.
L’épicerie en ligne Omie https://www.omie.fr/mission-regeneration/notre-mission qui favorise les produits issus d’un modèle agricole qui régénère les écosystèmes (agriculture régénérative) et la juste rémunération des producteurs indique sur son site que 60% des sols européens sont dégradés et 70% seront inexploitables en 2050.
Cela confirme un article de ce blog issu des informations données par le couple Bourguignon lors d’une conférence que vous retrouverez ci-après https://etre-libre.com/bien-connaitre-le-sol-de-son-jardin-nourricier/
Impacts sur la biodiversité
La biodiversité est gravement menacée. Les écosystèmes terrestres et marins sont soumis à des pressions intenses, entraînant des déclins significatifs de nombreuses espèces. Le rapport met en évidence des « points de bascule » potentiels, où des changements irréversibles pourraient se produire, comme la fonte du permafrost et la perte des récifs coralliens à des niveaux de réchauffement supérieurs à 1,5 °C (Youmatter).
Ressources en eau
Les ressources en eau sont également affectées par le changement climatique. Les sécheresses hivernales, la fonte des glaciers et la baisse des niveaux des nappes phréatiques compromettent l’approvisionnement en eau potable dans de nombreuses régions du monde. La gestion de l’eau devient de plus en plus complexe avec l’augmentation des événements climatiques extrêmes (Youmatter)
Sans aller très loin, beaucoup de communes françaises connaissent des difficultés en approvisionnement d’eau. Au moment où j’écris ces lignes, depuis le début de la semaine, en alerte sécheresse, notre village restreint l’accès à l’eau potable tous les après-midis et une bonne partie de la nuit et via un arrêt préfectoral l’utilisation de l’eau est très encadrée.
Agriculture et sécurité alimentaire
Le secteur agricole est particulièrement vulnérable aux impacts du changement climatique. La productivité agricole est menacée par des phénomènes tels que la sécheresse, les inondations et les vagues de chaleur. Ces conditions entraînent une baisse de la fertilité des sols et une diminution de la productivité des cultures, mettant en danger la sécurité alimentaire mondiale (Climate Chance).
Adaptation et résilience
Le rapport insiste sur la nécessité d’adapter nos pratiques pour faire face aux changements déjà en cours. Cela inclut des transformations systémiques dans l’agriculture pour s’adapter à un climat instable et à un accès limité à l’eau. Les systèmes de santé, les politiques urbaines et les activités industrielles doivent également évoluer pour réduire leur vulnérabilité aux impacts climatiques (Transition Écologique)
Équité et justice sociale
Le GIEC met également en lumière l’importance de l’équité et de la justice sociale dans les actions climatiques. Les populations les plus vulnérables, souvent les moins responsables des émissions de GES, sont les plus affectées par les impacts du changement climatique. Il est essentiel de mettre en place des politiques qui protègent ces populations et favorisent une transition juste vers des pratiques durables.
Les conclusions du dernier rapport du GIEC sont claires : des mesures urgentes et ambitieuses sont nécessaires pour atténuer les impacts du changement climatique et s’adapter aux changements déjà en cours. Protéger nos sols, restaurer la biodiversité et assurer une gestion durable des ressources en eau sont des priorités essentielles pour garantir un avenir vivable à tous.
Pour plus de détails, vous pouvez consulter le rapport complet sur le site officiel du GIEC ou sur des sites spécialisés en climatologie et environnement (Transition Écologique) (Youmatter)
Impact de la viticulture sur les sols, les rivières, la pollution et la biodiversité en France
Sols
Deuxième secteur exportateur après le luxe, la viticulture est l’une des pratiques agricoles les plus intensives en France, et elle a un impact significatif sur les sols. Les principales préoccupations incluent :
- Utilisation des pesticides : Avec des données qui remontent à 2000, « la viticulture représente environ 3 % des terres agricoles en France mais utilise 20 % des pesticides ». Ces produits chimiques affectent la structure et la santé des sols en détruisant les organismes bénéfiques et en perturbant les cycles naturels des nutriments.
- Érosion des sols : Le travail du sol (labours), les sols nus, le manque d’arbres autour et dans les parcelles de vigne (depuis les 400 millions d’arbres coupés lors du remembrement) favorisent le risque d’érosion. L’utilisation de machines lourdes pour la vendange et les traitements peut compacter les sols, réduisant leur capacité à retenir l’eau et à supporter la vie microbienne.
Rivières et Ressources en Eau
- Pollution des cours d’eau : Les pesticides et les engrais utilisés dans les vignobles peuvent s’infiltrer dans les nappes phréatiques et ruisseler vers les cours d’eau. Ces substances chimiques contaminent l’eau potable et affectent la vie aquatique.
- Utilisation de l’eau : La viticulture nécessite une irrigation intensive dans certaines régions, exacerbant la pression sur les ressources en eau locales, surtout en période de sécheresse.
Pollution
- Produits phytosanitaires : La viticulture est l’un des plus grands consommateurs de produits phytosanitaires, entraînant une pollution chimique significative. Les résidus de pesticides peuvent persister dans l’environnement, affectant non seulement les sols et l’eau, mais aussi l’air.
- Empreinte carbone : La production de vin, incluant la culture de la vigne, la fermentation, le transport et l’emballage, contribue aux émissions de gaz à effet de serre. Les pratiques traditionnelles, comme l’utilisation de tracteurs et d’autres équipements motorisés, ajoutent à cette empreinte écologique.
Biodiversité
- Perte d’habitat : La conversion des terres pour les vignobles peut détruire les habitats naturels, réduisant la biodiversité locale. Les monocultures de vigne ne favorisent pas la diversité biologique et peuvent perturber les écosystèmes environnants.
- Impacts sur la faune : Les pesticides utilisés peuvent être toxiques pour de nombreuses espèces, y compris les insectes pollinisateurs, les oiseaux et les petits mammifères. La réduction des populations de pollinisateurs, en particulier, a un effet domino sur la santé des écosystèmes agricoles.
Initiatives et Solutions
Pour atténuer ces impacts, plusieurs initiatives sont en cours :
- Viticulture biologique et biodynamique : Ces méthodes réduisent ou éliminent l’utilisation de produits chimiques de synthèse, favorisent la santé des sols et encouragent la biodiversité. En revanche, nous allons le voir juste après, ces pratiques ne limitent pas le labour profond.
- Agriculture régénérative : Pratiques visant à restaurer la santé des sols, augmenter la biodiversité et séquestrer le carbone.
- Certification et labels : Des labels comme HVE (Haute Valeur Environnementale) encouragent les pratiques viticoles durables. Tout en constatant aussi la limite de ce type de label.
Où acheter du vin qui prend soin des sols ?
La viticulture a des impacts significatifs sur les sols, les ressources en eau, la pollution et la biodiversité en France. Cependant, des pratiques durables et régénératives émergent pour atténuer ces effets négatifs et promouvoir une viticulture plus respectueuse de l’environnement.
En revanche, en tant que consommateur, comment savoir si mon acte d’achat d’une bouteille de vin va favoriser ou non l’environnement ? Existe-t-il des labels pour cela ? Existe-t-il des magasins spécialisés comme les cavistes qui peuvent répondre à cette question ?
D’autant que j’ai partagé dans un article précédent le principe du 4 pour 1000 qui pourrait sauver nos sols et par conséquent nous sauver https://etre-libre.com/un-sol-vivant-en-moins-de-6-mois/ car en augmentant d’à peine 4 pour 1000 ou 0,4% le stock de carbone dans les sols, nous pourrions stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Pour cela, il faudrait appliquer des pratiques agro-écologiques comme la couverture des sols, stopper les engrais et pesticides chimiques, peu ou pas de labours, planter des arbres, développer la polyculture, le petit élevage.
Les labels
Les labels qui existent aujourd’hui vont nous indiquer si le vignoble est conduit en conventionnel (80% du vin français), c’est à dire avec l’utilisation d’intrants chimiques à la vigne comme à la cave. En bio (label AB), en biodynamie (DEMETER) ou naturels et enfin S.A.I.N.S avec l’interdiction de produits chimiques à la vigne et limité (les sulfites) à la cave.
Les limites des labels
Je ne saurai dire combien de domaines viticoles sont aujourd’hui labélisés en France mais c’est sûr qu’il existe des limites à ces labels.
Sans parler de la qualité de la sélection des domaines et l’application et le respect du cahier des charges, je sais que certains vignerons hésitent à être officiellement en bio pour pouvoir utiliser des intrants chimiques à la vigne en cas de forte pression des maladies.
D’autres, comme ici par exemple, dans l’appellation Patrimonio qui est un des premières au monde à avoir interdit l’utilisation des pesticides et l’irrigation ne souhaitent même pas indiquer le label Bio sur leurs bouteilles car cela leur parait une évidence d’être en bio à la vigne et pour la plupart en nature à la cave. Il faut dire aussi que les Corses ont du caractère et privilégient autant que possible la liberté. Tiens, vu le nom de mon blog, ça tombe bien 🙂
Méconnaissance du consommateur
Par contre, lorsque je me suis intéressé de plus près aux vins Corses et que j’en ai acheté chez un caviste réputé lorsque nous vivions à Biarritz, à aucun moment, je n’ai eu de la part du vendeur ce type d’informations.
Idem, si on se réfère au principe du 4 pour 1000 et le stockage du carbone dans les sols, les labels existants ne couvrent pas cet aspect. Ils n’indiquent pas s’il y a un travail du sol, du labours, des sols couverts, des arbres etc…
À ma connaissance, il n’existe pas de label Français ou européen en agroécologie ou en agriculture régénérative qui est le terme anglo-saxon. En revanche, après quelques recherches, il existe un label américain avec un premier domaine français labélisé. Cocorico ! 🙂
Label américain d’agriculture régénérative : A greener world
Ci-après le lien de ce label américain https://agreenerworld.org/ et ci-dessous une petite vidéo de présentation
Je vous prie de trouver ci-après le lien vers le Domaine Gassier dans le Sud de la France https://www.domainegassier.com/fr/la-premiere-certification-en-agriculture-regenerative-viticole-de-france/
Je me suis permis d’insérer ci-dessous issu de leur site web leur vision de l’agriculture régénérative. J’ai vraiment hâte d’aller à leur rencontre 🙂
« Agriculture Régénératrice
Au Château de Nages et au Domaine Gassier en Costières de Nîmes, nous avons adopté une nouvelle façon de cultiver, l’agriculture régénératrice. Elle permet de lutter contre le changement climatique en plaçant la résilience des écosystèmes au cœur de la viticulture.
L’agriculture biologique n’était qu’une première étape
La transition vers l’agriculture biologique en 2007 a marqué une étape importante, mais elle n’a pas pleinement répondu à la résilience de nos vignobles et de nos écosystèmes.
Avec l’arrivée d’Isabel Gassier, vigneronne de cinquième génération, une nouvelle perspective a émergé.
S’inspirant des pratiques de nos collègues vignerons en France et de l’agriculture régénératrice à l’étranger, nous nous sommes engagés sur la voie de la régénération tout en conservant notre approche biologique.
Qu’attendons-nous de la Viticulture Régénérative ?
VINS DE TERROIR AUTHENTIQUES.
L’agriculture régénératrice se concentre sur la régénération des sols. Un sol vivant améliore la résilience de nos vignes. Cette approche rehausse le sens du lieu et la qualité de nos raisins, ce qui donne des vins qui expriment avec vivacité leur terroir et incarnent la fraîcheur.
ALIGNER ÉCOLOGIE ET ÉCONOMIE.
Atteindre la résilience des vignobles et favoriser la biodiversité des écosystèmes, tout en améliorant la qualité de vie au travail et la rentabilité : tels sont les bénéfices que nous apporte l’agriculture régénératrice.
CONTRIBUER À NOTRE ÉCHELLE À L’ATTÉNUATION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE.
En améliorant la structure, la biodiversité et la rétention d’eau de nos sols, nous contribuons à la séquestration du carbone, à l’amélioration de la qualité de l’eau et à l’enrichissement de nos écosystèmes.
En quoi la certification « Agriculture Régénératrice » nous sert-elle ?
La transition vers l’agriculture régénératrice est un défi. Pour atteindre nos objectifs, nous pensons qu’en nous dotant d’un cadre de certification clair, nous pouvons établir, mesurer et nous engager sur des objectifs annuels bien définis.
Et pourquoi choisir « A Greener World » ?
Il s’agit d’une certification créée par une association d’agriculteurs, pour les agriculteurs, qui propose un accompagnement technique sur mesure pour répondre aux besoins de chaque agriculteur. La transparence requise s’étend de la parcelle à la bouteille, garantissant une certification qui couvre l’ensemble de notre exploitation avec des objectifs mesurables et quantifiables.
Quelques exemples de nos engagements :
Pour la régénération des sols
- Augmenter de 50% la teneur en matière organique de nos sols.
- Production de 600 tonnes de notre propre compost.
- Travail du sol de toute nature dans moins de 40% de nos vignes.
Diversification des cultures et reforestation
- Expérimentation de la culture fruitière mixte sur une de nos parcelles.
- Plantation d’allées d’arbres au nord de chacune de nos vignes.
Créer des habitats naturels
- Revitaliser la rivière qui traverse notre propriété en lui permettant de reprendre son cours naturel.
- Ajout de 500 mètres de haies indigènes par année.
- Au moins 20% de nos terres sont consacrées aux pâturages et aux prairies fleuries
Intégration animale
- Continuer à fournir des pâturages ensemencés et riches en nutriments aux bergers locaux.
- Installation de nichoirs tous les 50 à 60 mètres dans les vignes.
- Installation d’abris pour chauves-souris et de perchoirs pour oiseaux de proie.
Conclusion
Les labels existants sont d’ores et déjà une belle étape pour nous aider dans nos choix. Je n’ai pas détaillé les applications comme Yuka, Foodvisor mais heureusement qu’elles existent et se développent.
Par contre, sur le principe de l’épicerie en ligne Omie qui pousse la démarche jusqu’aux pratiques des producteurs (agroécologie et/ou agriculture régénérative), je pense que l’évolution de la distribution du vin et au sens plus large des alcools doit tendre vers le même principe pour savoir ce qu’on achète pour notre santé et celle de la terre.
Bonus
Dans mes recherches pour boire du vin qui ne fait pas mal à la tête et à la planète :-), je suis tombé sur l’association « La Renaissance des Appellations » créée par Nicolas Joly https://coulee-de-serrant.com/actes-agricoles/
En cliquant sur ce lien, vous trouverez je l’espère un vigneron proche de chez vous qui respecte son terroir, son sol, sa terre, la terre, vous. https://renaissance-des-appellations.com/fr/