Démarrer de 0 ou presque a l’immense avantage de minimiser les préjugés sur les « nouvelles » méthodes.
Dans ma reconversion afin de devenir un paysan vigneron qui respecte autant que possible sa terre, son terroir et son environnement, même si cela peut paraître un inconvénient sur certains aspects (accès au foncier et manque d’expérience), mon côté néophyte, à part pour la dégustation depuis plus de 30 ans 🙂 me permet d’explorer différentes méthodes avec une certaine « innocence ».
Fin 2021, lors d’un stage au Domaine Gayda (dans le minervois) https://www.domainegayda.com/, mon maître de stage m’a fait découvrir « la taille douce », une pratique qui est censée favoriser la lutte contre les maladies du bois et notamment celle de l’Esca https://www.vignevin-occitanie.com/fiches-pratiques/esca/ , améliorer la santé de la plante et par conséquent la quantité (le rendement), la qualité du raisin…et donc du vin 🙂
Pourquoi la taille douce est une « révolution » ?
Lors de mes autres stages, que ce soit à Béziers au Domaine Obrière https://domaine-obriere.fr/ ou à Patrimonio au Clos U Suale, qui sont deux domaines créés il y a quelques années, j’ai pratiqué la taille douce.
Je ne connais pas d’autres tailles, plus « industrielles ». En tous cas, j’ai compris que c’était une révolution car elle prend en compte la physiologie de la vigne. Et pas seulement le phénomène d’acrotonie https://fr.wikipedia.org/wiki/Acrotonie. C’est un être vivant à part entière. Les termes employés avec une approche préventive plutôt que curative le démontrent : blessures, respecter le flux de sève qui pourrait se traduire par respecter le flux sanguin etc…
La taille douce : Kezako ?
Depuis quelques années, lorsqu’on parle de taille douce en France, un nom revient souvent. Celui de Marceau Bourdarias https://architecteduvivant.fr/. Sur son site, vous trouverez des conférences et des formations à la taille « douce ». Il intervient régulièrement auprès de l’équipe de ver de terre production https://www.verdeterreprod.fr/
Il y a également les livres de Marco Simonit qui explique la méthode Simonit & Sirch. Vous retrouverez une vidéo en fin d’article.
En cliquant sur le lien ci-après, vous pourrez découvrir des explications détaillées, des dessins comme ci-dessous et des vidéos justement de Marceau Bourdarias https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/Taille_douce_de_la_vigne
C’est la raison pour laquelle je ne vais pas me lancer dans un cours magistral sur la taille douce. Je ne m’en sens pas vraiment capable 🙂 et en plus, ce n’est pas l’objet de cet article.
L’idée est plutôt de mettre en avant les avantages pour le vignoble et le vigneron de pratiquer la taille « douce » surtout en cette fin d’année 2023 qui confirme des difficultés récurrentes liées au changement climatique, les maladies, la baisse au niveau mondial de la consommation de vin etc…
Ici, je me propose plutôt de résumer les 3 principes fondamentaux de la taille douce et surtout la philosophie qu’elle représente et qui raisonne très bien avec l’agroécologie. En plus de Marceau Bourdarias, je m’appuie également sur d’autres ouvrages comme celui de François DAL et ses collègues du SICAVAC » Manuel des pratiques viticoles contre les maladies du bois » ainsi que ma modeste expérience 🙂
Principe n°1 de la taille douce : Respecter les flux de sève
Lorsque l’on taille la vigne, il est essentiel de comprendre le rôle des yeux ou des bourgeons dans le processus de croissance de la plante. Les yeux sont des points de croissance potentiels situés le long des rameaux de la vigne. Chaque œil a la capacité de produire un nouveau rameau, des feuilles et des grappes de raisin. Cependant, tous les yeux ne sont pas égaux en termes de vigueur et de potentiel de croissance.
La sélection des yeux à conserver lors de la taille douce consiste à choisir soigneusement les yeux qui sont les mieux positionnés pour favoriser une croissance équilibrée de la vigne. Voici comment cela fonctionne et comment cela influence le flux de sève et la santé de la plante :
Positionnement des Yeux
Lorsque vous taillez la vigne en utilisant la taille douce, vous sélectionnez spécifiquement les yeux qui sont bien positionnés sur le sarment principal. Cela signifie généralement choisir des yeux situés près de la base du sarment, car ils ont tendance à être plus vigoureux et à produire des rameaux plus forts.
Éviter la concurrence entre les yeux
En sélectionnant les yeux appropriés, vous évitez la concurrence entre les yeux pour les ressources. Si trop de bourgeons sont laissés le long d’un sarment, ils peuvent se concurrencer mutuellement pour les nutriments, l’eau et l’énergie, ce qui entraîne une croissance déséquilibrée.
Amélioration du flux de sève
En limitant le nombre de bourgeons à développer, vous permettez à la vigne de concentrer ses ressources sur un nombre plus restreint de rameaux. Cela favorise un meilleur flux de sève à travers ces rameaux, car la plante n’a pas à répartir ses ressources de manière excessive.
Réduction du stress hydrique
Un meilleur flux de sève signifie également une distribution plus efficace de l’eau et des nutriments dans la vigne. Cela réduit le stress hydrique, ce qui est essentiel pour maintenir la santé générale de la plante, notamment en période de sécheresse.
Prévention des Maladies
Une vigne en meilleure santé, avec une circulation de sève optimale, est plus résistante aux maladies et aux parasites. Les nutriments circulent plus efficacement pour renforcer la défense naturelle de la plante.
En résumé, la sélection minutieuse des yeux à conserver (entre deux et trois selon la stratégie du vigneron) lors de la taille douce permet de concentrer les ressources de la vigne sur les rameaux les plus prometteurs, favorisant ainsi un flux de sève optimal. Cela améliore la santé générale de la vigne, renforce sa résistance aux maladies et contribue à une croissance équilibrée, ce qui est essentiel pour obtenir des raisins de haute qualité.
Principe n°2 de la taille douce : Limiter les blessures
La réduction des blessures est l’un des avantages clés de la taille douce, qui se distingue par son approche plus prudente et réfléchie de la taille de la vigne. C’est de cette manière que j’ai appris à tailler et j’avoue que quelquefois vu que c’est encore récent (je vais attaquer ma troisième année de taille douce) je me suis trouvé bête devant un pied de vigne ne sachant pas par quel bout le prendre 🙂
Voici comment cela fonctionne en détail :
Préservation de la structure de la vigne
Peu importe la forme (ou la conduite) que vous décidez de donner à votre cep de vigne (gobelet, cordon de royat, guyot etc…) l’une des principales caractéristiques de la taille douce est qu’elle vise à préserver la structure générale de la vigne. Contrairement à d’autres méthodes de taille qui peuvent entraîner une coupe sévère des sarments, la taille douce maintient un certain nombre de rameaux et de parties de la vigne en place.
Protection de l’écorce
Lorsque vous taillez « doucement » (dans le sens en prenant soin d’éviter les blessures et les coupes trop rases) la vigne, vous êtes moins susceptible de blesser l’écorce, qui est la couche protectrice de la vigne. Vous favorisez l’étanchéité. En effet, les blessures dans l’écorce peuvent être des points d’entrée pour les maladies et les parasites.
Prévention des infections fongiques
Les coupes nettes et les blessures importantes sont plus susceptibles de devenir des points d’entrée pour les champignons pathogènes responsables de maladies fongiques, telles que la pourriture grise https://www.vignevin-occitanie.com/fiches-pratiques/le-botrytis-ou-pourriture-grise/ ou l’oïdium https://www.vignevin-occitanie.com/fiches-pratiques/loidium-de-la-vigne/. En préservant la structure de la vigne, la taille douce limite ces risques.
Réduction de l’attrait pour les parasites
Les blessures ouvertes et les coupes sévères peuvent attirer les parasites, tels que les insectes, les acariens et les nématodes, qui peuvent causer des dommages à la vigne. La taille douce limite ces opportunités en minimisant les blessures.
Meilleure cicatrisation
Lorsque des coupes douces sont effectuées, la vigne a une meilleure capacité à cicatriser naturellement. Elle peut développer une couche protectrice (recouvrement des plaies) plus efficacement, ce qui réduit davantage les risques d’infection.
En résumé, la taille douce préserve la structure de la vigne et limite les blessures sur les sarments. Cela réduit les opportunités pour les maladies et les parasites de s’installer, contribuant ainsi à maintenir la santé de la vigne. La préservation de l’écorce et la réduction des points d’entrée potentiels pour les agents pathogènes font de la taille douce une méthode de taille préventive essentielle dans la viticulture moderne.
Principe n°3 de la taille douce : réguler la charge en raisin
La régulation de la charge en raisin est un aspect important de la taille douce qui vise à contrôler la quantité de raisins produits par chaque pied de vigne. Voici comment cela fonctionne et comment cela influe sur la maturation des raisins et la concentration des arômes :
Contrôle de la charge en raisin
Lors de la taille douce, les viticulteurs sélectionnent soigneusement les yeux (bourgeons) à conserver pour chaque pied de vigne. En limitant le nombre de bourgeons laissés sur la vigne, on réduit le nombre de grappes de raisin qui se développent. Un autre passage sera réalisé ultérieurement pour justement ébourgeonner une nouvelle fois. C’est une action manuelle, pied par pied…
Répartition uniforme de l’énergie
En limitant la quantité de raisin à produire, la vigne peut concentrer son énergie sur un nombre plus restreint de grappes. Cela signifie que chaque grappe reçoit une part plus importante des nutriments, de l’eau et de l’énergie disponibles.
Maturation plus homogène
Lorsque chaque grappe reçoit une part adéquate de ressources, la maturation des raisins devient plus homogène. Tous les raisins d’une grappe mûrissent à un rythme similaire, ce qui permet une récolte plus uniforme.
Concentration des arômes
La régulation de la charge en raisin contribue également à une meilleure concentration des arômes. Les raisins ont tendance à développer des arômes plus intenses lorsque les ressources sont moins dispersées, ce qui améliore la qualité gustative du vin produit à partir de ces raisins.
Réduction du risque de surproduction
En contrôlant la charge en raisin, on réduit le risque de surproduction de raisins de moindre qualité. Trop de raisins sur une vigne peuvent diluer la concentration des arômes et la qualité générale du vin.
Facilite la gestion du rendement
En ajustant la charge en raisin, les viticulteurs peuvent mieux gérer le rendement de leurs vignes. Cela peut être particulièrement important dans les années où les conditions météorologiques sont variables.
En résumé, la régulation de la charge en raisin lors de la taille douce permet d’obtenir une maturation plus homogène des raisins, ce qui se traduit par une meilleure concentration des arômes. En limitant le nombre de grappes et en favorisant une utilisation plus efficace des ressources de la vigne, la taille douce contribue à produire des raisins de qualité supérieure qui sont essentiels pour l’élaboration de vins fins et aromatiques.
En conclusion
En théorie, la taille douce semble remporter tous les suffrages. En revanche, comme toute « révolution », elle engendre aussi un changement de mentalités et de pratiques sur le terrain. En effet, les habitudes sont difficiles à faire évoluer. Cela a un impact aussi économique en terme de coût si on doit (au moins dans un premier temps) se former, former les équipes et passer plus de temps devant son cep de vigne.
C’est une démarche préventive de long terme qui devrait, associée à d’autres pratiques comme l’agroécologie, la biodynamie, la permaculture, prendre progressivement sa place dans les vignobles. Surtout si les résultats de la taille « douce » deviennent probants notamment concernant les maladies (qui font de tels dégâts chaque année) et les rendements qui ne cessent de baisser.
Vous pouvez trouvez des exemples inspirants en cliquant sur ce lien https://etre-libre.com/vignobles-respectueux-de-la-nature-5-exemples-inspirants/
La vidéo ci-dessous montre concrètement l’application des principes de la taille « douce » selon la méthode Simonit & Sirch