Introduction à l’agroécologie
Lors de ma reconversion pour devenir vigneron (bac pro vitivinicole en 2022), j’ai découvert cette notion d’agroécologie à l’occasion de recherches documentaires et plus particulièrement lors de diverses conférences diffusées sur Youtube comme celles de Ver de Terre Production.
En effet, alors que plus de 80% du vin français est produit de manière conventionnelle (chimique) et la plupart du temps en mono-culture, mon objectif est de devenir un paysan vigneron, un artisan vigneron afin de respecter autant que possible la terre, son environnement et celles et ceux qui consommeront ses produits.
En revanche, je suis conscient des difficultés de la majorité des vignerons qui ont des vignes plantées depuis des dizaines années à qui on dit que leurs méthodes doivent changer face au dérèglement climatique. Même si la volonté est là, concrètement comment fait-on lorsqu’on est prit entre les cahiers des charges des appellations, les impératifs économiques, un domaine installé etc…?
Comme je n’ai pas encore trouver de terres agricoles, j’ai décidé de créer un micro-vignoble dans notre jardin en Corse afin d’apprendre de mes erreurs, expérimenter des micro-vinifications et partager mes joies et galères.
C’est parti ! 🙂
Principes de base de l’agroécologie
De nombreuses méthodes existent. On peut se perdre facilement dans toutes ces ressources disponibles. Par contre, elles diffèrent peut-être sur la forme mais tendent vers la même chose : s’inspirer de la nature qui a tant à nous apprendre.
L’objet de cet article n’est pas de vous proposer un cours magistral sur ces pratiques, j’en serais bien incapable 🙂 mais plutôt que vous me suiviez pas à pas dans leur mise en oeuvre.
Avant d’aborder les principes de base de l’agroécologie, un rapide tour d’horizons non exhaustif des autres pratiques avec des liens vers des sites internet très bien faits :
La permaculture
- La permaculture correspond plus à une démarche globale qui prend en compte aussi le lieu de vie, son mode de vie avec l’importance du design, de la conception en amont (zones, secteurs…) afin de limiter les erreurs, optimiser les flux et la productivité en associant les cultures. https://www.permaculturedesign.fr/comment-faire-un-jardin-en-permaculture/
L’écoculture
- L’écoculture selon la Ferme du Bec Helloin en Normandie http://www.fermedubec.com qui mixe différentes méthodes reconnues à travers le monde avec des résultats concrets, études de l’Inrae à l’appui https://www.fermedubec.com/la-ferme/la-recherche/#rapports-scientifiques
Le micro-maraichage bio intensif
- Les micro-fermes bio intensives selon Jean-Martin Fortier http://www.jeanmartinfortier.com et son best seller « Le Jardinier Maraîcher » https://lejardiniermaraicher.com/ qui a le mérite de détailler sa méthode inspirée des jardiniers maraîchers parisiens du XIX ème siècle avec des éléments chiffrées (prix, chiffre d’affaires, marge…).
- C’est son côté anglo-saxon par rapport à notre modèle français qui parle beaucoup de quantité, de production mais moins de business 🙂
- A propos des jardiniers maraichers parisiens, un ouvrage reprend très précisément les méthodes d’avant la mécanisation, les énergies fossiles. En cliquant sur le lien, vous retrouverez l’article de mon blog qui en parle et donne accès au document https://etre-libre.com/les-jardiniers-maraichers-parisiens-au-19e-siecle-une-histoire-de-savoir-faire/
Le MSV ou maraîchage sur sol vivant
- Le maraîchage sur sol vivant (MSV) https://www.fermedecagnolle.fr/
Plus proche de nous, en Corse, une mine d’or, le livre Tempi Fà qui reprend sur plusieurs tomes les usages et savoir-faire de la Corse traditionnelle. Pas de site internet. Désolé ! 🙂
Les fondements de l’agroécologie appliqués à la création d’un micro-vignoble
J’ai cherché ce qui pouvait s’appliquer à la vigne en particulier. Le site ci-après donne d’excellents exemples https://agroecologie.vignevin.com/
L’exemple aussi de Cheval Blanc (vidéo ci-dessous avec l’équipe de Ver de Terre Production) qui pratique l’agroécologie depuis plus de 10 ans et/ou le livre d’Alain Malard « Vignes, vin et permaculture » m’ont motivé à me lancer dans cette magnifique aventure de produire un excellent vin maison le plus sain et propre possible dans notre jardin en respectant les fondements de l’agrécologie.
Bien sûr, l’idée est d’apprendre en démarrant petit et de pouvoir appliquer ces mêmes principes lorsque j’aurais des terres agricoles. Quoiqu’il en soit, je resterai petit également (2 hectares maximum) pour privilégier le travail manuel, limiter la mécanisation et l’utilisation des énergies fossiles.
1 – La fertilité du sol
Techniques pour enrichir et maintenir un sol vivant et sain
Lorsque nous sommes arrivés dans cette maison fin août, j’ai constaté que le sol du jardin était très compact (que ce soit dans la partie verger ou la parcelle attenante) et n’avait pas été ameubli depuis des années. La présence également en grande quantité d’oxalis traduit un sol plutôt acide.
- Après une analyse de sol maison avec des échantillons prélevés dans le jardin que j’ai laissé reposer dans un bocal d’eau, j’ai eu la confirmation d’un sol argileux et calcaire.
- L’avantage de passer du temps dans le jardin pour le nettoyer par exemple (arbres morts, ronces etc…) m’a donné l’occasion de constater qu’il y avait très peu de vie dans le sol…en tous cas, celle qui est visible comme les vers de terre. J’en ai trouvé aucun !
- Je n’ai pas encore fait le test du PH avec du bicarbonate de soude (si cela mousse, c’est plutôt acide) ou du vinaigre blanc (si cela mousse, c’est plutôt neutre). Cf. la vidéo ci-dessous :
- Comme l’agroécologie prône l’absence de labours, en tous cas sa diminution drastique pour ne pas retourner la maison des milliards de micro-organismes qui se trouvent dans le sol, j’ai investi dans une grelinette 4 dents (conseillé dans l’excellent ouvrage « Vivre avec la Terre » de la Ferme du Bec Hellouin). Ce qui m’a permis d’ameublir plutôt que de labourer.
- A plusieurs reprises, j’ai dû sauter à pied joint sur la grelinette pour pénétrer le sol. Au moins, je n’ai pas utilisé de motoculteur mais j’avoue que quelquefois j’aurais bien aimé….Au moins, pas besoin d’aller à la salle pour faire du Cross-Fit ! 🙂
- Apport de fumier et de BRF (Bois Raméal Fragmenté) :
- Tous les apports qui permettent de (re)créer de la matière organique et d’amener des nutriments au sol et aux plantes sont essentiels pour l’agroécologie.
- J’aurais aimé apporter plutôt de la paille et/ou du foin mais c’est une denrée rare et chère en Corse (quand elle n’est pas produite sur place, elle vient par camion du continent).
- Je ne me voyais pas payer entre 13 et 20 euros la botte alors que j’avais un besoin de 28 M3 selon les préconisations de la Ferme du Bec Hellouin.
- Dans un premier temps, j’ai réduit les quantités (7 à 8 M3) pour les concentrer exclusivement sur la partie maraichage et j’ai cherché d’autres alternatives.
- Grâce à la puissance des réseaux sociaux et des groupes Facebook notamment, j’ai réussi à trouver du BRF en quantité et du fumier de brebis également.
- J’ai loué un petit camion benne à la journée et le tour était joué. J’en ai profité pour donner la main à un collègue vigneron pour lui déposer du fumier dans sa vigne.
- Les couverts végétaux
- Je ne suis pas encore dans cette phase (vu que les plants de vigne ne sont pas encore plantés 🙂 mais l’idée est de prévoir les graines qui seront plantés dans l’inter-rang (moutarde, consoude, radis etc…) en hiver afin de les coucher en mai assurant un paillage.
- Sol nu, sol foutu, sol couvert, sol prospère ! Les avantages du couvert végétal sont multiples :
- Eviter l’érosion, limiter la chaleur, faciliter l’assimilation de l’eau, freiner la pousse des mauvaises herbes…
2 – Agroforesterie : choix et plantation des arbres
En agroécologie, les arbres font leur retour non seulement autour des parcelles (bosquets, haies qui avaient disparu lors du remembrement des années 60 avec l’abattage de plus de 400 millions d’arbres) mais également dans les parcelles de vigne.
Dans son manifeste pour une viticulture (anti) conventionnelle, Cheval Blanc reprend le rôle des arbres à la vigne :
- « En sous sol avec la mise en réseau, via leur mycorhize, les plantes du couvert, les vignes et les autres arbres, afin de partager et de redistribuer leur bien commun : les éléments nutritifs.
- En période sèche, les arbres assure aussi une mission d’ascenseur hydrique en offrant à la vigne une meilleure alimentation en eau.
- Par leur partie aérienne, les arbres offrent le gîte et le couvert aux oiseaux et aux insectes, précieux prédateurs des ravageurs.
- Taillés, trognés, élagués, les arbres génèrent en outre une importante production de biomasse : leur bois et leurs branches fragmentées vont alimenter le sol en matières premières et donc assurer sa fertilité future.
- Enfin, l’ombrage des arbres crée un microclimat bénéfique pour les vignes aux heures les plus chaudes. »
Cheval Blanc est sur une proportion de 80 arbres à l’hectare soit 8 pour 1 000 M2. Pour le moment, nous projetons de planter plus d’une dizaine d’arbres sur une parcelle d’environ 600 M2.
Sélection d’espèces adaptées à votre région et écosystème
Accompagné par plusieurs pépinières de l’île, nous regardons quels seraient les arbres les plus adaptés au micro-climat de la haute-corse, à la vigne que nous allons planter et au fait que nous n’avons pas d’eau à profusion pour le moment. A priori, hormis les oliviers, les chênes et les châtaigniers, les vignes apprécient la proximité d’arbres fruitiers à noyaux.
Sur site, mise à part le verger d’agrumes à proximité, nous avons des pruniers, des figuiers, des kakis et anciennement des abricotiers et cerisiers qui sont morts désormais. Il faudrait en replanter en plus de pêchers.
Méthodes de plantation respectueuses de l’environnement
En revanche, nous n’avons pas de recul sur la plantation d’arbres en même temps que la vigne. Une concurrence va-t-elle avoir lieu entre les deux ? Devrions-nous attendre que la vigne prenne racine et planter les arbres après ?
Notre réflexion actuelle est plutôt de tout planter en même temps et de constater si la vigne prendra plus de temps à pousser du fait de la proximité de certaines jeunes arbres.
Gestion de l’Eau et de la Biodiversité
Malheureusement, pour le moment, alors qu’une source coule à proximité, nous n’avons pas d’eau sur notre terrain. Une sourcière l’a confirmé. Par conséquent, nous devons nous adapter et planter des arbres et la vigne puis notre potager en conséquence.
La vigne est naturellement très résiliente et n’a pas besoin d’être arrosée. En tous cas, pour le moment, en Haute-Corse. Le choix des arbres et l’endroit de leur plantation a toute son importance également. Pour le potager sous forme de buttes permanentes, nous allons tester différents endroits. C’est plus facile à modifier que les arbres ou les vignes.
Nous réfléchissons aussi à comment récupérer les eaux de pluie en profitant des différents dénivelés et/ou créer une mare et/ou un mini bassin de rétention d’eau. Apparemment, selon les voisins, il en existait avant qui ont été détruits.
En attenant, c’est la raison pour laquelle nous empruntons une technique plutôt considérée comme issue de la permaculture. Le respect des courbes de niveau, les keylines afin de planter des lignes d’arbres perpendiculaires à la pente.
Sur la photo ci-dessous, nous avons noté en vert les lignes correspondant aux courbes de niveau. Les numéros en rouge sont pour identifier le choix et l’emplacement des arbres. L’étoile verte 🙂 correspond au futur potager en forme de mandala.
3 – Polyculture et petit élevage
Sol vivant et couvert, agroforesterie, polyculture et petit élevage sont les trois principaux piliers de l’agroécologie à la vigne.
Les arbres fruitiers taillés afin de les contenir et qu’ils ne fassent pas trop d’ombre à la vigne à proximité, vont donner des fruits. Le potager des légumes. La vigne du raisin…et du vin 🙂
A cela, on peut ajouter quelques poules pour leur oeufs, leur travail de nettoyage et le compost qu’elles génèrent. Un des meilleurs selon la ferme du Bec Hellouin. Nous manquons de place pour prendre d’autres petits animaux. Alors pourquoi pas une ruche pour produire notre propre miel ? En même temps, il y a d’excellents producteurs en Corse. A creuser.
En conclusion, l’agroécologie s’appuie sur ces 3 piliers afin de travailler AVEC la nature et pas CONTRE elle car c’est perdu d’avance. Il n’y a qu’à voir les épisodes extrêmes qui s’enchaînent en ce moment dans les régions de France et du monde. Désormais, nous ne pouvons que nous adapter et changer progressivement nos pratiques via de l’expérimentation.
En bonus, les premières assises de l’agroécologie dans la viticulture animées par l’équipe de Ver de Terre production.
D’autres sources d’informations en cliquant sur les liens ci-après https://osez-agroecologie.org/ https://www.nouslesvigneronsdebuzet.fr/
@ très vite pour la suite !